Par Mohamed Badine EL YATTIOUI
Le Venezuela s’enfonce mois après mois dans la crise et le président Maduro ne semble pas trouver la solution. Crise économique à laquelle s’est ajoutée une crise sociale puis politique. Les limites du système économique et social mis en place par Hugo Chavez entre 1999 et 2013 sont frappantes du fait de la chute des prix du pétrole. L’inflation a atteint le record de 720 % en 2016, d’après le FMI, et les pénuries de biens de première nécessité sont quotidiennes.
Depuis 2014 Nicolas Maduro semble refuser de réformer le modèle économique de son prédécesseur, par idéologie. Mais la situation n’est plus du tout la même. Si comme Hugo Chavez il contrôle la société pétrolière nationale PDVSA et ses milliards de dollars de recettes, la chute des prix du brut ne lui permet plus de mettre cet argent à disposition des ambitieux programmes publics de redistribution, qui sont eux en bolivars. Le « taux de change contrôlé » faisait le lien entre les pétrodollars et les politiques publiques redistributives.
Chavez avait l’autorité pour faire trois choses : dévaluer le bolivar face à la fuite de capitaux, diminuer les importations à la suite de la baisse du prix du pétrole en 2009 et multiplier les dépenses publiques afin de préparer la présidentielle de 2012. Son successeur n’a pas su prendre les bonnes décisions et a concédé une part importante de son pouvoir à l’armée, ce que nous allons voir plus loin. A cela s’est ajouté le contrôle administratif des prix, dans le but de lutter contre l’inflation, mais dont les effets ont été catastrophiques puisque des producteurs se sont retrouvés à vendre à perte puis à stopper leur production, provoquant les premières pénuries. Face au mur et craignant une désaffection populaire en cas de réformes structurelles « orthodoxes », le président s’est contenté de mesures de court terme qui n’ont fait qu’aggraver la crise économique et éloigner les classes populaires, soutiens de base du « socialisme du XXIe siècle ».
Le président Maduro va devoir affronter les élections régionales en cette fin d’année Acceptera-t-il le partage du pouvoir avec l’opposition jusqu’à la fin de son mandat en 2019 ? Aujourd’hui cela parait peu probable. Mais son problème principal est qu’une grande partie des classes populaires se tournent vers l’opposition. Le dialogue avec les partis d’opposition n’a pas permis de grandes avancées malgré l’implication du Pape François et de l’ancien chef du gouvernement espagnol, José Luis Zapatero. Une opposition qui avait obtenu, en 2014, deux tiers des sièges lors des élections législatives et n’ont cessé de réclamer, en vain, un référendum révocatoire contre le chef de l’Etat en 2016 (comme le permettait la Constitution).
Mais Maduro tient-il encore les rênes du pouvoir ? Il est permis d’en douter. En juillet 2016, après avoir lancé la « grande mission de ravitaillement souverain », il a donné au ministre de la Défense et fidèle parmi les fidèles d’Hugo Chavez, le général Vladimir Padrino López, un pouvoir immense. Tous les ministères et les institutions étatiques sont « sous ses ordres et sa subordination absolue » alors que l’armée occupe déjà un nombre important de ministères et de postes de gouverneurs. L’état de siège économique permet à l’exécutif de gouverner par décrets. L’Assemblée, contrôlée par l’opposition, a été marginalisée par la Cour Constitutionnelle, donnant une apparence légale à ce qui est en réalité un coup de force institutionnelle de la majorité au pouvoir. En espagnol, un autogolpe. L’Assemblée n’a même pas pu examiner, amender et voter le budget de l’Etat…
Sur le plan international, le Venezuela s’isole. Il a été suspendu de la présidence tournante du MERCOSUR, en décembre dernier, sous la pression de l’Argentine et du Brésil. La situation géopolitique de la région a changé. Ces deux pays, leaders du MERCOSUR, sont désormais dirigés par des présidents de droite, Macri et Temer. Plus largement, même des dirigeants de gauche n’osent plus soutenir ouvertement le régime. Ils lui demandent des concessions.
Le risque de voir le pays basculer dans un régime dictatorial n’est pas à exclure. Le socialiste chilien Sergio Bitar (ancien ministre d’Allende, Lagos et Bachelet) y a vécu durant son exil (pendant la dictature de Pinochet) et s’y rend régulièrement. Il dit que « la crise du Venezuela montre le risque d’un retour des dictatures militaires en Amérique latine ». Il propose de faire participer à la médiation Cuba, l’allié idéologique, et la Chine, l’allié financier. Au XXIe siècle, en Amérique latine, cela serait un moment historique mais à contrecourant. Alors que depuis trente ans la région voit des régimes démocratiques fleurir (l’exception étant Cuba), un raidissement du régime de Maduro serait exceptionnel dans un pays qui a longtemps été une exception démocratique dans cette partie du Monde. L’année 2017 est un test, avec le scrutin présidentiel de 2019 en ligne de mire.
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