Par Chiara ALEXANDRE
Directeur de publication : Thomas MESZAROS
Responsable pédagogique : Fabien DESPINASSE
En Europe, plusieurs pays de l’UE/EEA et le Royaume-Uni rapportent une augmentation significative du nombre de cas de COVID-19 en semaine 51 [1]. Le 25 décembre, l’Europe recensait plus de 25 millions de personnes touchées par la pandémie. De plus, un nouveau variant du SARS-CoV-2 a été identifié dans le Sud-Est et l’Est de l’Angleterre (variant VUI 202012/01). Un renforcement de la surveillance virologique et des investigations sont en cours. La situation est suivie avec attention par les autorités sanitaires [2].
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Lien de l’infographie : COVID-19 : point épidémiologique du 24 décembre 2020
I. Renforcement de la surveillance virologique
Une nouvelle lignée du coronavirus [3] a été identifiée au Royaume-Uni ce qui a provoqué de nouveaux confinements mais aussi une interruption temporaire des liaisons entre la Grande-Bretagne et certains pays, dont la France. Mercredi 23 décembre, les frontières se sont toutefois rouvertes entre la France, la Belgique, les Pays-Bas, la République Tchèque et le Royaume-Uni sous réserve d’un test négatif au variant du SARS-CoV-2.
Les caractéristiques précises de ce variant restent largement inconnues mais l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a tenue à rappeler que cette souche n’était « pas hors de contrôle » contrairement aux propos de Matt Hancock, le ministre de la Santé britannique, le 19 décembre. Au Royaume-Uni, ce variant représenterait 20% des virus séquencés à Norfolk, 10% en Essex et 3% dans le Suffolk selon l’épidémiologiste Thibault Fiolet. Cette mutation a toutefois été retrouvée ailleurs qu’en Angleterre : au Danemark, en Italie, en Belgique mais aussi en France. Il s’agit principalement d’individus résidant ou rentrant d’un voyage au Royaume-Uni.
Ce nouveau variant est à prendre au sérieux selon le professeur François Balloux, directeur de l’Institut de génétique de l’University College of London et spécialiste de la génomique des virus. En effet, si ce variant est plus contagieux, « il y aura plus de cas, plus vite, au moment où commence l’hiver, la saison la plus difficile. Cela renforce le risque d’une saturation des hôpitaux ». Une étude mise en ligne le 23 décembre [4] (mais pas encore parue dans une revue scientifique) semble confirmer que ce variant serait « 50% à 74% » plus contagieux que les souches en circulation jusqu’alors. Il convient donc d’être prudent à ce sujet bien que pour l’instant, rien n’indique qu’il provoquerait une maladie plus sévère, au contraire.
Selon une étude en pré-print [5] (c’est-à-dire non relue et validée par d’autre experts donc encore critiquable), ce variant pourrait venir d’une personne infectée de façon chronique chez qui le virus aurait subi une pression suffisante pour muter.
Ainsi, suite à l’accélération épidémique en Europe et ailleurs de nouvelles mesures restrictives sont prises par les gouvernements. En effet, l’Italie reste sous restrictions jusqu’au 6 janvier, les déplacements des italiens sont donc limités. Un nouveau confinement est prévu en Irlande du 24 décembre au 12 janvier 2021 ; en Autriche, un troisième confinement est prévu malgré l’ouverture de plus de 400 stations de ski. Au Danemark la décision a été prise de fermer les commerces « non essentiels ».
En France, le prolongement de la fermeture des lieux de spectacle jusqu’au 7 janvier, au moins, a été validé par le Conseil d’État au vu du « contexte sanitaire ». Le Conseil d’État a ainsi souligné le « caractère très évolutif » de la situation sanitaire et le « risque d’augmentation de l’épidémie à court terme » et considère donc que cette décision de fermeture « ne porte pas une atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales ».
La fermeture des salles de spectacle semble être une décision prise par la majorité des pays européens. Toutefois, Madrid fait figure d’exception. Pour la capitale espagnole, salles de concerts, théâtres et opéras sont ouverts depuis le mois de juillet. Les autorités parlent de « culture sûre » (cultura segura) puisqu’aucun cluster ne semble pouvoir être associé à ce secteur. Le masque y reste cependant obligatoire et les jauges sont au maximum de 75% avec respect des distanciations sociales.
II. Le lancement des campagnes vaccinales
Le 21 décembre 2020, l’Agence européenne des médicaments a rendu son avis favorable pour la mise sur le marché conditionnelle du vaccin de Pfizer-BioNTech : « notre évaluation approfondie signifie que nous pouvons garantir en toute confiance les citoyens européens de l’innocuité et de l’efficacité de ce vaccin et qu’il répond aux normes de qualité nécessaires. » Cependant, le travail de l’Agence ne s’arrête pas ici et les données sur la sécurité et l’efficacité de ce vaccin continueront d’être collectées et analysées afin de garantir la protection des citoyens européens se faisant vaccinés. Les vaccinations débuteront dès le 27 décembre 2020 dans la majorité des pays européens.
« C’est un pas en avant important dans la lutte contre cette pandémie à l’origine de souffrances et d’épreuves. Il s’agit vraiment d’une réussite scientifique historique, en moins d’un an, un vaccin aura été développé et autorisé contre cette maladie. » Emer Cooke, directrice générale de l’AEM.
Il aura donc fallu moins d’un an pour mettre au point les premiers vaccins, au lieu de dix habituellement. Les raisons d’une telle performance s’expliquent par la fiabilité des nouvelles technologies mais aussi par une volonté collective de chercheurs, de citoyens, de responsables politiques et d’industriels. En effet, entre la découverte du premier cluster et la publication du virus sur le site virological.org, seulement 10 jours se sont écoulés. Etienne Simon-Lorière, virologue à l’Institut Pasteur, explique qu’il y a dix ans, ce séquençage aurait pris plusieurs semaines. De plus, les laboratoires travaillent sur la nouvelle technologie de vaccin à ARN messager depuis une dizaine d’années, ils disposaient donc d’une méthode particulièrement rapide. Également, les scientifiques ont bénéficié des connaissances acquises lors des deux précédentes pandémies de SARS et de MERS en 2002 et 2012, la structure du virus était donc connue de ces derniers. Enfin, les agences de validation ont accéléré leur examen sans évincer une seule étape. Elles ont simplement étudié les publications et les résultats des essais en temps réel plutôt que d’attendre une publication finale. L’efficacité des vaccins et candidats vaccins contre le Covid-19 n’est toutefois pas remise en question, les méthodologies restant les mêmes.
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Lien de l’infographie : L'Agence européenne des médicaments a autorisé le vaccin Pfizer-BioNTech
Malgré l’accomplissement que représente ces vaccins, William A. Haseltine, un scientifique américain ancien professeur à l’école de médecine de Harvard et président d’Access Health International, explique dans une tribune au « Monde »,qu’à l’échelle de la planète, cela doit être relativisé.
« Pfizer et Moderna ont créé une Lamborghini quand la plupart des pays avaient besoin d’une Toyota – c’est-à-dire d’un vaccin que l’on aurait pu produire, stocker et administrer simplement et à bas coût, de préférence en utilisant les chaînes de distribution déjà existantes. » William A. Haseltine.
En effet, pour rester stable le vaccin Pfizer doit être stocké dans des congélateurs spéciaux maintenus à ultra-basse température qui coûtent entre 8 000 et 12 000 euros pièce. Les vaccins de Pfizer et Moderna exigent d’être administrés en deux doses espacées d’un mois et ces difficultés logistiques ne semblent pas idéale pour ce scientifique qui pense à l’objectif final d’inoculation mondiale. Ces problématiques logistiques sont particulièrement fortes concernant l’acheminement des doses de vaccin dans des zones reculées ou rurales par exemple. De plus, comme pour la grippe saisonnière, il est fort probable que la vaccination contre le Covid-19 devienne annuelle ou biannuelle. Il conviendrait donc de revoir les critères d’efficacité des vaccins et candidat-vaccins en incluant une vision à long terme : « le vaccin le plus efficace sera donc celui que l’on pourra déployer pendant des années ».
[1] Santé publique France, « COVID-19 : point épidémiologique du 24 décembre 2020 », (en ligne). Disponible sur : https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/bulletin-national/covid-19-point-epidemiologique-du-24-decembre-2020
[2] European Centre for Disease Prevention and Control, « Threat Assessment Brief: Rapid increase of a SARS-CoV-2 variant with multiple spike protein mutations observed in the United Kingdom », 20 décembre 2020, (en ligne). Disponible sur : https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/threat-assessment-brief-rapid-increase-sars-cov-2-variant-united-kingdom
[3] Pour plus d’informations : New and Emerging Respiratory Virus Threats Advisory Group (NERVTAG), (en ligne). Disponible sur : https://www.gov.uk/government/groups/new-and-emerging-respiratory-virus-threats-advisory-group
[4] Centre for mathematical modelling of infectious diseases, « Estimated transmissibility and severity of novel SARS-CoV-2 Variant of Concern 202012/01 in England », le 23 décembre 2020, (en ligne). Disponible sur : https://cmmid.github.io/topics/covid19/uk-novel-variant.html
[5] Virological.org, « Preliminary genomic characterisation of an emergent SARS-CoV-2 lineage in the UK defined by a novel set of spike mutations », le 19 décembre 2020, (en ligne). Disponible sur : https://virological.org/t/preliminary-genomic-characterisation-of-an-emergent-sars-cov-2-lineage-in-the-uk-defined-by-a-novel-set-of-spike-mutations/563
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