Par Mohamed Badine EL YATTIOUI
Le 20 janvier, Donald Trump a débuté son mandat à la Maison Blanche après une victoire surprise face à Hillary Clinton. Les difficultés s’enchainent sur le front intérieur depuis bientôt deux mois et ce sur des dossiers différents. L’homme d’affaires, qui a mené une campagne populiste, ne semblait pas se rendre compte de la difficulté et de la complexité de la charge de président de la première puissance mondiale. Si le Congrès républicain ne s’est pas encore opposé à ses velléités protectionnistes sur le plan commercial, des mouvements d’opposition venant de la société civile se sont déjà fait ressentir, dans des parties très différentes de la société américaine.
Dans le monde universitaire, Paige West et JC Sayler, professeurs de la prestigieuse Columbia à New-York, ont annoncé le projet d’un site internet dédié à un cours du philosophe Michel Foucault, datant de mars 1976, évoquant le racisme et le nazisme. Ils invitent leurs collègues et étudiants à partager leurs propres idées sur les réseaux sociaux avec l’hashtag « #Readin ». Plusieurs revues universitaires appuient la démarche car elle permet d’analyser comment le pouvoir peut utiliser le racisme afin de diviser la population, ce qui fut l’un des thèmes de campagne de Donald Trump à l’égard des Mexicains. A cela s’est ajoutée la démarche de vingt universités qui le 18 janvier ont lancé la commémoration d’une journée d’opposition au nouveau président appelée « Teach ! Resist » et le fait que dans quatre-vingt dix villes, le monde artistique ait procédé à une manifestation sous le nom de « Writers Resist ».
Al Sharpton, défenseur des droits civiques, a organisé à Washington DC un évènement avec deux mille personnes regroupant des groupes de défense des Noirs, « La Raza » qui défend les Latinos et « Human Rights Campain » qui défend les minorités sexuelles. Le cortège s’est arrêté près du monument érigé en mémoire de Martin Luther King. Al Sharpton avait même appelé à une autre manifestation le 20 janvier afin d’empêcher le début de mandat de Donald Trump.
Les autorités ont permis à vingt-sept groupes de protester le 20 janvier ce qui représente quatre fois le nombre autorisé habituellement. Plus de 16 000 policiers ont été mobilisés ce jour-là.
Son décret migratoire n’a pas eu un écho que dans les sept pays musulmans visés mais aux Etats-Unis même. Des manifestations ont eu lieu jusqu’à ce que le pouvoir judiciaire intervienne afin de bloquer son application. La seconde mouture proposée il y a quelques jours est certes plus précise puisque les titulaires de visas et de cartes vertes ne sont pas concernés. Mais ces décrets renvoient à la nature même de l’histoire américaine, terre d’accueil. L’ancien président George W. Bush a rappelé qu’après le 11 septembre 2001 il n’avait pas pris une telle décision… De plus, ce qui choque de nombreux Américains est que l’Arabie Saoudite n’en fasse pas partie alors que l’immense majorité des terroristes de l’évènement précité en était originaire.
A cela s’ajoute ses attaques xénophobes répétées à l’encontre des Mexicains. Lorsque l’on connait leur nombre (12 millions de personnes) cela ne peut que diviser la société américaine. Nombre d’entre eux sont nés aux Etats-Unis et sont des citoyens. En fustigeant les effets du libre-échange, et en particulier de l’ALENA (entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique), sur l’industrie et le commerce extérieur, il prend le risque (voulu ?) de l’amalgame entre Mexicains et menace économique et sociale. Il prend aussi le risque de confondre légaux, illégaux et binationaux. Cette rhétorique xénophobe ne peut que diviser le pays en deux camps irréconciliables. Et ce, alors que son ambition protectionniste ne pourrait réussir que en créant une « union nationale complète » face à la réelle menace économique et commerciale pour Washington qui est la Chine. Mais la peur du voisin, la peur du non WASP est beaucoup plus facile et commode pour toucher un électorat blanc ouvrier et appartenant à la classe moyenne touché de plein fouet par le libre-échange généralisé depuis vingt-cinq ans, à l’initiative des Etats-Unis (républicains et démocrates confondus).
L’historien Robert Paxton a fustigé le début de mandat du président dans une tribune. Et plus particulièrement son entourage immédiat composé de Stephen Bannon et Stephen Miller. Il les dépeint, et c’est une réalité, comme des complotistes proches de l’extrême droite. Mais Paxton se refuse à qualifier Donald Trump de fasciste. Il considère qu’il est la figure de proue d’une ploutocratie en marche avec des penchants autoritaires. Il le sait opportuniste et le voit donc facilement céder à son entourage en ce qui concerne une vision fermée et réactionnaire de la société sur le plan du rapport aux minorités (latinos, musulmans, homosexuels).
Donald Trump a débuté son mandat de quatre ans dans un pays et une société divisée par ses propos. Son manque d’expérience politique pourrait être une difficulté énorme. A laquelle s’ajoute son inexpérience diplomatique. Mais il s’agit là d’une autre histoire…
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