Par Antoine CRETIEN
Crise sanitaire et implications économiques
Bilans arrêtés au 22/03/2020 – 18h00
Directeur de publication : Thomas Meszaros
Responsable scientifique : Jean-Luc Lautier
Rédacteur : Antoine Cretien
1. Situation mondiale
Center for Systems Science and Engineering (CSSE) – Johns Hopkins University, Baltimore, USA
Au niveau mondial, la pandémie est désormais régulée en Asie du Sud-Est et entame une phase descendante avec un nombre de guérisons journalier supérieur au nombre de nouvelles infections détectées.
Éléments de solidarité internationale
La solidarité internationale s’organise pour aider l’Europe, nouveau foyer de propagation de la pandémie selon l’OMS. Ursula von der Layen a rappelé que cette solidarité était essentielle ; après que l’UE ait envoyé en Janvier et Février 50 tonnes de matériel médical et d’équipements de protection à la Chine, c’est à la Chine d’aider l’Europe avec la livraison dans les prochains jours de 200.000 masques N95, 2 millions de masques chirurgicaux et 50.000 kits de tests Covid-19. La France, qui avait envoyé 17 tonnes de matériel médical en Chine en Février a reçu le 18 Mars une livraison d’un million de masques chirurgicaux de la part de la RPC. Dans les prochaines semaines, la RPC devrait exporter jusqu’à 200 millions de masques vers les pays de l’UE.
Ce Samedi 21 Mars, c’est la Russie qui annonçait venir en aide à l’Italie : huit groupes mobiles de virologues militaires, des équipements et des complexes de désinfection sont partis de Russie ce Dimanche. En outre, la solidarité franco allemande est également à l’œuvre puisque la région du Bade Wurtenberg a annoncé être prête à accueillir des patients atteints du Covid depuis les hôpitaux français de la Région Grand Est surchargés par les cas de réanimation.
Keynésianisme et solidarité, deux enseignements de l’actuelle pandémie
Comme après la crise économique et financière de 2008, l’incertitude sur les cours mondiaux et sur une reprise de la production industrielle oblige l’ensemble des gouvernements de la planète à mener des politiques de relance budgétaire et monétaire. La relance économique mondiale devrait être tirée par la demande des consommateurs et notamment dans la zone Asie-Pacifique qui sera la première à s’engager dans cette reprise.
Sur le plan international comme au niveau local, la solidarité s’organise ; le premier enseignement à tirer de cette pandémie est en effet que le chacun pour soi n’a pas sa place dans un monde interconnecté qui nous rend à la fois plus fort et plus fragile. Après le « Chacun pour tous » lancé par Michel Barnier dans les années 1990, un nouveau mot d’ordre fait son apparition sur la scène mondiale : « stronger together ». Nul doute que cette pandémie marquera la fin d’un monde et l’avènement de nouvelles solidarités à toutes les échelles ainsi que le retour du « collectif ».
2. Situation en Asie
Le situation sanitaire s’améliore en Asie où les plus gros foyers du virus (Chine, Corée du Sud) sont en train de parvenir à résorber l’épidémie. La crainte d’une deuxième vague épidémique liée au retour des ressortissants asiatiques infectés conduit les pays à poursuivre les politiques de confinement et notamment pour les arrivants de régions infectées.
Les bourses asiatiques reprennent des couleurs à mesure que l’épidémie est contrôlée. Sur cette fin de semaine, la bourse de Séoul reprend 7%, celles de Hong Kong, Bombay et Taïwan reprennent plus de 6% tandis que Hong-Kong et Shanghai progressent d’1,5% ; les banques centrales ont également assoupli leurs politiques monétaires pour encourager la relance de l’économie dans la zone Asie-Pacifique et la demande des consommateurs.
En Chine
La Chine commence à lever ses zones de confinement établies en dehors de la province de Wuhan et a annoncé la réouverture des zones touristiques de Shanghai. Les seuls nouveaux cas de Covid-19 détectés sont importés par des citoyens de retour en RPC et le taux de guérison s’établit à 89%. A l’image de la reprise économique qui s’annonce, près de 90% des infrastructures majeures hors Hubei ont repris leurs activités productives. Selon les dernières communications, la production industrielle avait baissé de 13,5% en Janvier et Février tandis que les ventes au détail s’étaient effondrées de 20,5% ; le gouvernement vient donc d’annoncer ce Dimanche 22 Mars un grand plan de développement des infrastructures et une baisse massive des taxes pour stimuler la reprise économique par l’investissement.
En Corée du Sud
Le pays a mené une politique de confinement très stricte couplée à des dépistages massifs. Environ 20 000 tests sont effectués chaque jour avec pour objectif « dépistage, identification, traçabilité ». Le pays recourt massivement aux nouvelles technologies : chaque individu testé positivement est tracé sur ses 15 derniers jours (bornage CB, téléphone, reconnaissance faciale…) pour identifier toutes ses interactions sociales. Depuis le 13 Mars, le nombre de patients guéris quotidiennement dépasse le nombre de nouveaux infectés. Le pays a annoncé un plan de relance de 39 milliards de dollars destiné essentiellement aux PME.
Au Japon
La faible diffusion du virus s’explique notamment par les mœurs et la culture japonaise qui repose sur des normes sociales très strictes et de faibles contacts physiques. Le pays, qui réalise environ 900 tests par jour a commencé, le 18 Mars, à lever le confinement établi dans la région d’Hokkaido, foyer japonais du virus. Le Diamond Princess reste en quarantaine avec 712 cas confirmés. Le gouvernement a par ailleurs annoncé un plan de relance de l’économie chiffré à 278 milliards de dollars tandis que la préparation pour l’ouverture des JO prévue le 24 Juillet se poursuit. Ce Vendredi, la flamme olympique arrivait d’ailleurs au Japon après être partie Jeudi dernier du Stade panathénaïque.
3. Situation en Europe
L’Europe est devenue le nouveau foyer de la pandémie Covid-19 et a passé, le 20 Mars, la barre des 100 000 cas ; de nombreux pays sont placés sous confinement total (Italie, Espagne, France…) ou partiel (Allemagne, Belgique…) tandis que d’autres pays peinent à prendre ces mesures et choisissent des politiques plus souples, misant notamment sur l’immunité collective (Royaume-Uni, Danemark). Toutefois la situation en Grande Bretagne se dégrade rapidement et le gouvernement est sous pression. Des mesures de confinement ne devraient donc pas tarder à être annoncées par le gouvernement de Boris Johnson.
Implications et mesures économiques
Après des premières annonces contradictoires, la BCE, par la voix de Christine Lagarde, a annoncé le déclenchement d’un Pandemic Emergency Purchase Program (PEPP) :
1. Poursuite du Quantitative Easing (QE) avec rachat de 750 milliards d’euros de titres de dette publique et privée supplémentaires pour l’année 2020
Le total de rachats d’actifs atteindra donc 1 100 milliards d’euros pour l’année 2020 (soit 6% du PIB de la zone euro)
Les titres de dette souveraine grecque seront inclus dans le PEPP (ils étaient jusque-là exclus des politiques de QE car soumis à des rachats spécifiques)
2. Les premières mesures de rachats de titres concerneront en priorité l’Italie puis l’Espagne et la France afin de soulager l’effort budgétaire massif des pouvoirs publics en direction de leurs systèmes de soins et de santé et de leurs économies impactées par la baisse des recettes fiscales en raison des mesures de confinement.
4. Situation en France
L’Assemblée Nationale et le Sénat ont repris leurs travaux le 19 Mars, en format réduit, pour voter l’état d’urgence sanitaire (une nouvelle disposition de légalité d’exception) et le Projet de Loi de finance rectificatif (PLFR) incluant les mesures de lutte contre le Covid-19.
Le Ministère des Armées a annoncé le déblocage par la DGA d’un stock de 5 millions de masques chirurgicaux à destination du Ministère de la Santé tandis que la construction de l’Hôpital de campagne par le Service de Santé des Armées à Mulhouse devrait être achevé lundi 23.
Implications et mesures économiques
Le Ministre de l’Économie Bruno Le Maire a fait des annonces fortes pour tenter d’apaiser les acteurs économiques et financiers qui s’inquiètent de la chute de l’activité productive et de la baisse des cours mondiaux. N’excluant pas des prises de participation voire des nationalisations, l’État a d’ores et déjà inclus dans le PLFR présenté le 19 Mars à l’Assemblée nationale les mesures suivantes :
Financement du chômage partiel à hauteur de 5,5 milliards d’euros par mois
Création d’un Fonds de soutien aux entreprises doté d’un milliard d’euros par mois avec 25% de financement issus des Régions
Ce Fonds de soutien s’adresse aux entreprises dont le CA est inférieur à un million d’euros.
Soutien financier au système de sécurité sociale et aux hôpitaux français à hauteur de 2 milliards d’euros
Report des charges et des cotisations sociales pour les entreprises impactées par la crise du coronavirus
Garantie des emprunts bancaires contractés à partir du 1er Mars pour les entreprises à hauteur de 300 milliards d’euros
L’ensemble des mesures budgétaires et fiscales devrait alourdir le déficit budgétaire de 15,4 milliards d’euros, le portant ainsi à – 4% pour l’année 2020 avec 10,7 milliards de recettes fiscales en moins pour 2020.
Le Président a en outre annoncé 5 milliards d’euros d’investissement de l’État dans la recherche médicale fondamentale, étalés sur 10 ans.
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