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Veille secteur public n°10 du 3 octobre 2020 : décryptage de l’actualité nationale

Responsable pédagogique : Fabien DESPINASSE



Dans un contexte d’insécurité grandissante sur le territoire national, le service de statistiques du Ministère de l’Intérieur (SSMSI) publie son bilan de la délinquance de 2019. Si la lutte contre le terrorisme est une priorité, renforcer la sécurité quotidienne des citoyens constitue l'autre défi majeur du quinquennat dans le domaine de la sécurité intérieure. En effet, les violences sexuelles sont les violences qui ont le plus augmenté l'année dernière, + 12%, suivies par les coups et blessures volontaires, en hausse de 8%. (I)

Dans un même temps, la France commence à mesurer les impacts économiques de la crise sanitaire, et les aides et la mobilisation de l’État sont plus que primordiales. C’est dans ce cadre que le projet de loi de finances 2021 vient d’être présenté, mettant en avant des mesures de dépenses sociales pour préserver les services publics. (II)



I. Les chiffres de la délinquance en hausse depuis 2018 sur le territoire



Ces derniers mois, de nombreuses affaires de violences ont été constatées par les citoyens et les élus locaux, qui demandent au gouvernement de prendre des engagements concrets pour endiguer les multiples menaces.

Le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) a publié sa 4e édition du bilan statistique « Insécurité et délinquance »[1] pour l’année 2019. Ce service créé en 2014 déploie des missions dont la mise à disposition au grand public de données statistiques et d’analyses sur la sécurité intérieure et la délinquance, ainsi que l’assistance aux administrations de la police et de la gendarmerie par un éclairage statistique sur la délinquance. Ce bilan 2019 permet de dresser un suivi et une évolution de la délinquance par rapport aux années antérieures.



1. L'effet confinement/déconfinement sur les statistiques de délinquance



La sortie prévue initialement le 31 mars 2020 a été décalée suite à la crise sanitaire liée au Covid-19 alors que, parallèlement, un tableau de bord hebdomadaire[2] de la délinquance enregistrée par la police et la gendarmerie a été publié pendant la période de confinement. Chaque semaine a été publié un suivi d’indicateurs relatifs aux crimes et délits enregistrés par les services de police et de gendarmerie nationale comparée à la même période de 2019. Si le contexte exceptionnel du confinement doit nous permettre de relativiser les chiffres publiés, nous pouvons cependant retenir certaines tendances. Les coups et blessures volontaires sont en nette augmentation (avec 5300 victimes) ; ce qui est similaire pour les violences intrafamiliales (qui représentent environ la moitié des victimes). Les violences sexuelles enregistrent une légère baisse par rapport à 2018 (environ 1200 victimes) mais restent très élevées; et enfin les vols avec violences et cambriolages sont en dessous de l’année 2019 mais ont connus des augmentations selon les semaines du confinement. Cependant une "forte progression des escroqueries et infractions assimilées" (11%), a été observée, accentuant une tendance à la hausse.

Le confinement a fortement influencé les conditions de dépôt de plainte, pour les victimes et les forces de sécurité[3]. De plus, certaines formes de délinquance ne pouvaient pas s’exercer dans le contexte de confinement, tandis que d’autres ont été renforcées. Le déconfinement et le retour aux activités quotidiennes peut expliquer en partie l’augmentation des violences multiples.

De plus, le nombre de victimes d’homicides enregistrés est en hausse (+4% en 2019)[4] et s’élève à 880 victimes, dont 4 en lien avec un attentat terroriste. Pour rappel, alors que le procès contre les terroristes responsables des attentats de janvier 2015 est en cours, le 25 septembre 2020, une nouvelle attaque terroriste[5] a été perpétrée près des anciens locaux de Charlie Hebdo, l’assaillant dénonçant la republication des caricatures du prophète Mahomet par l'hebdomadaire satirique.



2. Délinquance et manifestations sociales entre fin 2018 et fin 2019 : des résultats statistiques qui varient selon les territoires



Au travers de l’éclairage n°1 du bilan annuel, le phénomène des Gilets jaunes est particulièrement observé, à travers les données sur les « dégradations et violences et outrages à l’égard des personnes dépositaires de l’autorité publique ». La méthode suivie, visant une approche territoriale des manifestations sociales a pu être menée par la police et la gendarmerie. Sur l’ensemble des samedis de la période, l’indicateur synthétique[6] de l’impact des manifestations "gilets jaunes" a plus que doublé par rapport à l’année précédente à Bordeaux (+180 %), Charleville-Mézières (+164 %), Rouen (+116 %), Toulouse et Caen (+113 % chacune) et Paris (+107 %). En comparaison, les hausses sont beaucoup plus mesurées pour les villes de Lyon et Reims (+38 % chacune), Metz (+37 %), Lille (+34 %), Nice (+26 %) et Marseille (+22 %)[7]. Globalement, sur l’ensemble de la période, plus la population est importante, plus la commune a enregistré une forte hausse de l’indicateur synthétique de l’impact des manifestations « gilets jaunes ».

Les territoires d’Outre-mer restent quant à eux globalement plus exposés que la métropole aux infractions violentes mais présentent des dynamiques variées en 2019.

La requalification de certains crimes en délits, intervenues dans le cadre de procédures pénales, est aussi à prendre en compte, les victimes d’infractions ne portant pas toujours plainte. Pour cela une approche complémentaire est systématiquement fournie avec les résultats de l’enquête de victimisation Cadre de vie et sécurité2 (CVS) réalisée par l’Insee, en partenariat avec l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP)[8].

La sécurité est un sujet d’actualité omniprésent, le Ministère de l’Intérieur étant particulièrement présent médiatiquement depuis le dernier remaniement gouvernemental. Des mesures conjoncturelles ont donc été prises, telles l’adaptation du schéma de maintien de l’ordre[9] pour répondre aux débordements survenus lors des manifestations des gilets jaunes, ainsi qu’une amélioration de l’équipement des forces de l’ordre. Le gouvernement a décidé d’allouer plus de moyens humains et matériels aux forces de sécurité et de l’ordre pour lutter efficacement contre l’insécurité. Certaines de ces mesures sont détaillées dans le projet de loi des finances 2021.


II. Le projet de loi de finances 2021 pour mesurer l’impact économique de la crise sanitaire



Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, et Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des Comptes publics, ont présenté le projet de loi de finances 2021 (PLF 2021)[10], le 28 septembre, au Conseil des ministres à Bercy. Il est présenté habituellement à l'automne, avant le débat parlementaire en octobre et novembre pour un vote définitif en décembre. Il déploie une partie des crédits du plan de relance[11] présenté début septembre ; pensé en plusieurs étapes pour relancer l’économie française suite à la crise de la Covid-19.



1. Un projet de loi de finance 2021 et une action publique à l'épreuve d'une crise sanitaire potentiellement longue



Il financera également des investissements voués à placer le pays en position de force pour innover, moderniser et transformer son modèle économique et social afin de le rendre à la fois compétitif et durable.

Composée de trois programmes, le PLF décline les grandes priorités du plan et les crédits dédiés avec l'écologie (18,4 milliards d'euros), la compétitivité des entreprises (6 milliards) et la cohésion sociale et l'emploi (12 milliards). Au total, cette mission représente 36,4 milliards d'euros du plan de relance, dont 22 milliards seront décaissés en 2021. Si une bonne partie des mesures s’annoncent en faveur d’une croissance verte, elles devraient permettre de mesurer les conséquences environnementales des politiques publiques menées.

Des actions prises rapidement par le gouvernement pour contrer les effets de la crise sur le court et moyen terme de l’économie française sont attendues. La situation économique en 2020 est moins dégradée qu’attendue au sortir de la période de confinement.

L’évolution sanitaire sera cruciale dans la mise en pratique du projet, le risque d’une intensification de la seconde vague épidémique en France et dans le monde étant très présente. À l’inverse, la découverte et le déploiement rapides d’un vaccin ou d’un traitement renforceraient la confiance des consommateurs et des entrepreneurs, réduiraient les contraintes sanitaires et libéreraient le potentiel de reprise de l’activité.



2. Justice, Intérieur et Armées : une modernisation de l'équipement et des recrutements supplémentaires



En matière de prévention des risques, le fonds de prévention des risques naturels majeurs bénéficiera d’un budget fortement rehaussé à 205 M€ (soit + 74 M€). Le suivi des installations classées pour la protection de l’environnement sera également renforcé.

Le plan de relance n’avait octroyé qu’une petite place aux industries de la sécurité et de la défense, le projet de loi des finances quant à lui, détaille de nouvelles mesures en faveur de la sécurité intérieure et de la souveraineté technologique des industries de pointe. Les ministères de la Justice, de l’Intérieur et des Armées bénéficient d’une augmentation conséquente de leur budget.

La mission « Sécurités » (p.59) du projet vise à assurer la sécurité intérieure, à prévenir et à lutter contre le terrorisme, à poursuivre l’effort contre toutes les formes de délinquance, à garantir la protection des populations et augmenter les capacités de gestion de crise, et enfin à intensifier la lutte contre l’insécurité routière. Cette mission devrait représenter le recrutement d’environ 2000 personnes supplémentaires. Ces recrutements visent notamment à renforcer la présence des forces de l’ordre sur des missions opérationnelles sensibles ou dans les territoires prioritaires de la police de sécurité du quotidien. Par exemple, les caméras-piétons seront généralisées au 1er juillet 2021 et les agents de sécurité publique bénéficieront du renforcement des équipements. L’utilisation des drones sera aussi généralisée en appui opérationnel. La gendarmerie mobile entamera le renouvellement de sa composante blindée et des véhicules destinés au maintien de l’ordre. Le logiciel de rédaction et de pilotage des procédures (SCRIBE) de la police nationale est attendu pour la fin de l’année 2021. La stratégie Gend 20.24 de sécurité sur-mesure va se poursuivre par des réorganisations dans un objectif de plus grande proximité avec la population et les élus.

Un effort particulier est réalisé au profit des services de renseignement et de sécurisation des systèmes d’information, afin de répondre de la manière la plus efficace aux menaces pesant sur la sécurité nationale.

Le renforcement de la justice de proximité est mis en avant, afin de lutter plus efficacement contre la petite délinquance du quotidien, et de répondre aux inquiétudes des citoyens concernant la banalisation de la violence dans la société. Ces augmentations de moyens humains seront accompagnées d’une augmentation des moyens financiers dans les tribunaux pour que des peines pénales soient adaptées aux infractions relevées.


Source : Compte Twitter officiel du Ministère de la Justice, le 01/10/2020



Les recrutements visent notamment à renforcer la présence des forces de l’ordre sur des missions opérationnelles sensibles ou dans les territoires prioritaires de la police de sécurité du quotidien.

S’agissant de la « Défense » (p.59-60), conformément à la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, après des hausses de 1,7Md€ en 2019 et 2020, le budget poursuit sa montée en charge avec une nouvelle hausse de 1,7 Md€ en 2021, pour atteindre un niveau de 39,2 Md€. Cet effort financier majeur dans le cadre de la LPM, sans précédent depuis la Guerre froide, répond à nouveau au besoin de transformation et d’adaptation des armées dans un environnement stratégique instable, marqué par l’émergence de nouvelles formes et de nouveaux espaces de conflictualité. L’amélioration du quotidien des soldats est aussi évoquée, avec une nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM).

300 nouveaux postes seront créés en 2021, en particulier dans les domaines du renseignement, de la cyberdéfense, du soutien aux exportations et des unités opérationnelles. Concernant l’objectif de modernisation des équipements, l’année 2021 verra l’émergence des premiers engagements relatifs au système de combat aérien du futur (SCAF), développé en coopération avec l’Allemagne. Le SCAF devrait à terme aboutir au remplaçant du Rafale. Les premières études du porte-avions de nouvelle génération verront également le jour, afin de remplacer le porte-avions « Charles de Gaulle ».




Source : Projet de loi de finances 2021, p.90



La modernisation de la dissuasion, clef de voûte de la stratégie de défense, fait également l’objet d’un effort accru, en lien direct avec le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. En effet, les deux ministères collaborent étroitement[12] sur l’investissement pour la formation d’étudiants dans le secteur de la défense. Dans le cadre de la relance économique à la suite de la crise de la Covid-19, le ministère des Armées accompagnera et continuera de soutenir la filière aéronautique et les acteurs de la base industrielle et technologique de défense (BITD), qui contribuent fortement à l’innovation et à la souveraineté nationale.

L’objectif de conserver une base industrielle solide dans l’Hexagone passe aussi par une nouvelle association, la Place stratégique (PLS)[13], qui comporte des acteurs du secteur de la défense souhaitant aider de jeunes start-up à conserver leur croissance et leur savoir-faire sur le territoire. Ces jeunes entreprises développent des technologies dont les applications peuvent être civiles ou militaires dans l'intelligence artificielle (IA), les drones, la cryptographie ou le quantique ; qui intéressent notamment les Armées.

Le fonds d’investissement du ministère des Armées et de Bpifrance « Definvest » va également être renforcé pour passer de 50 à 100 M€ sur 5 ans. Les crédits dédiés à l’innovation sont également une priorité de la LPM 2019-2025, qui prévoit de les porter à 1 Md€ en 2022.

La crise de la Covid-19 a mis en exergue la dépendance industrielle et technologique de l’économie française, et la fragilité de certaines chaînes de valeurs mondiales. Il est nécessaire de renforcer la production nationale et de soutenir l’implantation ou la réimplantation, sur le territoire, de certaines industries stratégiques. A ce titre, une mission d’information[14] sur la politique d’approvisionnement du ministère des Armées en petits équipements rapportée en septembre, préconise de plus grands investissements pour la production nationale, sauvegardant la souveraineté dans ce secteur.



 

[1] Bilan insécurité et délinquance publié sur le site du Ministère de l’Intérieur, le 30/09/2020. Disponible en ligne sur : https://www.interieur.gouv.fr/Interstats/Publications/Hors-collection/Insecurite-et-delinquance-en-2019-bilan-statistique [2] Tableau hebdomadaire de la délinquance pendant le confinement, publié le 27/05/2020 sur le site du Ministère de l’Intérieur. Disponible en ligne sur : https://www.interieur.gouv.fr/Interstats/Conjoncture/Tableau-de-bord-hebdomadaire-au-24-mai-2020 [3] Analyse conjoncturelle des crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie à la fin du mois d'août 2020, publiée sur le site du Ministère de l’Intérieur le 04/09/2020. Disponible en ligne sur: https://www.interieur.gouv.fr/Interstats/Conjoncture/Interstats-Conjoncture-N-60-Septembre-2020 [4] Chiffres issus du communiqué de presse officiel du 30/09/2020. [5] L’attaque a fait deux blessés. Article publié sur France TV info le 30/09/2020. Disponible en ligne sur: https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/terrorisme/attaque-pres-des-anciens-locaux-de-charlie-hebdo/attaque-pres-des-anciens-locaux-de-charlie-hebdo-le-procureur-de-la-republique-antiterroriste-tiendra-une-conference-de-presse-a-14-heures_4122313.html [6] Calculé par cumul des faits des seuls index de l’état 4001 relevant de destructions et dégradations (index 62, 63, 66, 67 et 68) et d’outrages et violences à l’égard des personnes dépositaires de l’autorité publique (index 72 et 73). [7] Chiffres issus du communiqué de presse officiel du 30/09/2020. [8] Communiqué de presse du Ministère de l’Intérieur, publié le 30/09/2020. Disponible en ligne sur: https://www.interieur.gouv.fr/Actualites/Communiques/Insecurite-et-delinquance-en-2019-Bilan-statistique [9] Schéma national de maintien de l’ordre, publié sur le site du Ministère de l’Intérieur le 17/09/2020. Disponible en ligne sur: https://www.interieur.gouv.fr/Le-ministre/Actualites/Schema-national-du-maintien-de-l-ordre [10] Projet de loi de finance 2021, publié le 28/09/2020 sur le site du Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance. Disponible en ligne sur : https://minefi.hosting.augure.com/Augure_Minefi/r/ContenuEnLigne/Download?id=0638C996-A2C6-48E5-86FB-A53A22A780F1&filename=DP%20-%20PLF%202021.pdf [11] Présentation du plan de relance sur le site du Ministère de l’Economie, des Finances et de la relance, publiée le 03/09/2020. Disponible en ligne sur : https://www.economie.gouv.fr/plan-de-relance [12] Partenariats Enseignement supérieur-Défense, publié par le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation le 11/08/2016. Disponible en ligne sur: https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid20743/formations-de-la-defense.html [13] Article paru dans le journal l’Express, publié le 01/10/2020. Disponible en ligne sur : https://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/entreprises-sensibles-cherchent-parrains-dans-la-defense_2135208.html [14] Communiqué de presse sur la mission d’information sur la politique d’approvisionnement du ministère des Armées en petits équipements, publiée à l’Assemblée Nationale le 18/09/2020. Disponible en ligne sur: http://www2.assemblee-nationale.fr/15/commissions-permanentes/commission-de-la-defense/secretariat/communiques-de-presse/conclusions-de-la-mission-d-information-sur-la-politique-d-approvisionnement-du-ministere-des-armees-en-petits-equipements

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