Par Lou ROCCA
Directeur de publication: Thomas MEZSAROS
Responsable pédagogique: Fabien DESPINASSE, Julie DUNOUHAUD
Introduction:
La déclaration commune de lutte contre le terrorisme rédigée le 29 janvier 2015 à Riga en Lettonie énonçait : « Les récentes attaques terroristes en France, les mesures de contre-terrorisme prises en Belgique et la menace grandissante que constitue le phénomène de terroristes étrangers agissant dans le monde entier envoi un message à la fois clair et fort sur le fait que les efforts de contre-terrorisme doivent être approfondis tant au niveau national qu’européen » (1). Si la lutte contre le terrorisme engage en premier lieu la responsabilité des États, la coordination au niveau européen doit permettre l’amélioration de la sécurité de l’Europe dans une approche plus globale. Ainsi, cette logique de coopération européenne rejoint la volonté de la France de voir émerger une véritable communauté européenne de défense, autonome et souveraine. Un projet qu’elle placera au centre de l’agenda européen pendant encore deux semaines dans le cadre de la PFUE. Il conviendra d’analyser les mécanismes européens de lutte contre le terrorisme en portant une attention particulière à la temporalité, pour ensuite les mettre en perspective avec le projet de défense européenne souveraine et autonome défendue par la France lors de cette PFUE.
I. Prolégomènes : les politiques de défense face à la menace terroriste
Remaniements des politiques de défense face au terrorisme : différents moments de rupture
Les attentats de 2001 ont bouleversé le monde et en premier lieu l’Europe, terrassée par ce coup porté à son allié historique et hyper puissant les États-Unis. Les politiques sécuritaires des États européens (pour ne pas dire du monde) ont été remaniées dans de nombreux domaines en commençant par la sécurité aérienne (2). Lorsque les attaques terroristes s’abattent sur l’Europe, à partir des années 2010 notamment, les politiques sécuritaires sont à nouveau repensées. En France, le plan Vigipirate est modernisé (3), l’État d’Urgence est décrété. Ce dernier permet « « d'interdire la circulation des personnes » et d'instituer « des zones de protection ou de sécurité » où le séjour des personnes est réglementé, selon la loi de 1955, qui a instauré cette procédure exceptionnelle au début de la guerre d'Algérie. » (4)
La réaction politique des États est immédiate après chaque attaque terroriste et ce parce que l’opinion publique lui commande une réponse rapide. Cette réponse peut être mue par des préoccupations sécuritaires, comme en France après les attentats de 2015, ou par des caractéristiques nationales propres. Ainsi, si la politique de riposte immédiate menée par Georges W. Bush en 2001 en Afghanistan puis en 2003 suite aux attentats du World Trade Center, a pu être qualifiée de politique de « vengeance », elle s’inscrit en fait dans la continuité de la politique étrangère américaine (5).
La complexité de s’engager dans une guerre hybride.
C’est en fait les stratégies étatiques de défense elles-mêmes qui sont impactées par cette menace d’un nouveau genre. Les États s’engagent alors dans une guerre “hybride”, car la menace n’est plus étatique, elle est asymétrique. Élie Tenebaum, Directeur du Centre des Études de Sécurité de l’IFRI (Institut Français des Relations Internationales) donne la définition suivant de guerre hybride : « Le terme de « guerre hybride » apparaît pour la première fois en anglais en 2005 sous la plume de deux officiers du corps des Marines, le colonel Frank Hoffman et le général James N. Mattis, pour tenter de qualifier la situation dans laquelle les Américains se trouvent en Irak à l’époque. Celle-ci combine un état de violence dit post-conflit résultant du vide sécuritaire de la chute du régime baasiste (…). L’hybridité vient donc qualifier ici la complexité croissante du champ de bataille moderne (…) » (6).
La définition progressive de la menace terroriste par l’État français.
Pour Myriam Chaouch, doctorante au Centre Lyonnais d’Études de Sécurité Internationale et de Défense (Université Jean Moulin), la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017 marque la continuité avec le Livre Blanc sur la défense et de la sécurité nationale de 2013 concernant la définition de la menace terroriste (7). Ainsi, selon elle, « La Revue stratégique identifie de façon pragmatique la menace terroriste comme étant une menace parmi tant d’autres qui remettraient en question la sécurité et les intérêts de l’État français et de ses voisins européens » (7, page 29).
En 2013, le gouvernement déployait la lutte contre le terrorisme autour de trois axes :
1 : la prévention des risques.
2 : la protection des espaces particulièrement vulnérables.
3 : l’anticipation des évolutions de la menace.
En 2017, le gouvernement n’a pas explicitement décrit sa doctrine de lutte contre le terrorisme, regroupant en fait cette thématique avec d’autres menaces dans une rubrique intitulée « Durcissement et diffusion de la menace » (8).
La vague d’attentats qui a frappé la France ainsi que d’autres États européens illustre la difficulté d’être proactifs dans la mise en place de politiques de lutte contre le terrorisme.
Quelle politique adopter face à cette menace terroriste qui « se recompose et s’étend à de nouvelles régions » (8) ? À ce danger protéiforme, une réponse coordonnée à l’échelle européenne semble être pertinente.
Une complexe mis en place d’une coopération européenne durable face à un terrorisme impulsif.
Cependant, la coopération européenne en matière de lutte contre le terrorisme s’heurtera à la pluridisciplinarité de la nature de la menace. Spontanée et brutale, elle appelle presque instinctivement à une réponse coordonnée des États Européens. Mais pour que cette coopération soit durable et en capacité d’anticiper de nouvelles attaques terroristes, les États européens devront être capables d’aller plus loin que la mise en place de mécanismes de réaction. Repasser de la tactique à la stratégie, c’est précisément le projet porté par la France qui donne pour priorité la refondation de la doctrine européenne de défense. L’analyse de la lutte européenne contre le terrorisme donnera des clés de compréhension sur la stratégie de défense européenne la plus pertinente, ou du moins la plus crédible.
II. Les mécanismes européens de lutte contre le terrorisme
Touchés de façon très disparate par les attaques terroristes, l’Union Européenne déploie depuis les années 2000 différentes politiques publiques visant à endiguer le phénomène du terrorisme. Certaines de ces politiques peuvent être assimilées à des mécanismes de réaction aux attaques, d’autres illustrent la volonté de l’Union Européenne d’ancrer sa lutte coordonnée contre le terrorisme dans la durée.
1. Les mécanismes de « réaction ».
L’échelle européenne est rendue nécessaire dans cette lutte de par la « nature transnationale des réseaux terroristes » (9). La question des frontières est donc prépondérante. Ainsi, le 7 mars 2017, le Conseil Européen a adopté un nouveau cadre législatif régissant les frontières de l’espace Schengen (10). Cette modification impose aux États membres d’ « effectuer des vérifications systématiques dans les bases de données pertinentes sur toutes les personnes, y compris celles jouissant du droit à la libre circulation » (10). Il est à noter que cette obligation s’impose à toutes les frontières, qu’elles soient terrestres, maritimes ou aériennes. Ce mécanisme de réaction a été présenté par la Commission Européenne en décembre 2015. Par ailleurs, la défense opérationnelle des frontières de l’espace Schengen passe également par l’action menée par FRONTEX, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côte, créée en 2004 et dont le mandat a été élargi le 6 octobre 2016, afin d’apporter une réponse plus pertinente à la menace terroriste. Cette « agence opérationnelle » (11), met à disposition des États des « agents de services répressifs », des « navires, des avions et des dispositifs de surveillance des frontières » (11). Par ailleurs, l’un des volets de la lutte de l’Union Européenne contre le terrorisme repose sur les mesures qu’elle a mises en place pour lutter contre les combattants étrangers. Le 7 mars 2017 à nouveau, le Conseil Européen a légiféré sur la qualification en infraction pénale les entrainements ou les voyages à des fins terroristes. (12). Enfin, après la vague d’attentats survenue en Europe après 2015, l’Union Européenne a annoncé vouloir renforcer sa coopération avec les « pays tiers ». Ce souhait a été communiqué le 16 juin 2020 et porte l’attention de l’UE vers les pays des Balkans occidentaux, de l’Afrique du Nord, du Proche-Orient, de la région du Sahel ou encore de la Corne de l’Afrique (13). Ces décisions politiques ont donc pour la plupart été prises à la suite d’attaques terroristes ayant touché le sol européen.
Dans cette même logique, l’Union Européenne a également orienté sa coopération vers la sphère militaire. Ainsi, la France lance en 2018 l’idée d’une force militaire opérationnelle européenne au Sahel, la Task Force Takuba. En mars 2020, onze États avaient signé une déclaration pour soutenir le projet de cette force armée internationale, pour un déploiement effectif finalement retardé au début de l’année 2021 (14). Cependant, c’est sur fond d’escalade des tensions avec le régime malien que le Danemark a par exemple décidé de rappeler sa centaine d’hommes déployés au Mali le 27 janvier 2022, illustrant le déclin de la Task Force Takuba et en toile de fond de la présence française au Mali. Finalement, le 17 février 2022, la France annonçait la fin de ses opérations anti-djihadistes Barkhane et Takuba à cause de la dégradation de ses relations avec Bamako. Cette initiative, qui s’est suivie finalement d’un échec, est à la fois le marqueur de la volonté européenne pugnace d’engager une réponse ferme face à la menace terroriste mais aussi l’illustration des difficultés de cette lutte contre une menace tentaculaire qui est par définition transfrontalière.
C’est pourquoi, les dirigeants politiques européens ont saisi, suite aux attaques terroristes des années 2010, la nécessité d’élargir le cadre législatif européen pour être en capacité d’anticiper cette menace qui se situe en deçà du seuil de la guerre.
2. À la recherche de mécanismes d’anticipation.
Le premier domaine d’action présenté sur le site internet du Conseil de l’Union Européenne est celui de la « lutte contre la radicalisation » (15). L’un des principaux vecteurs de la radicalisation des individus est aujourd'hui les réseaux sociaux. Un phénomène qui s'est accru avec la démocratisation des outils électroniques, leur grande facilité d’accès ainsi que leur régulation relativement faible. C’est pourquoi l’Union Européenne a adopté en mars 2021 un règlement visant à contrer la diffusion du contenu à caractère terroriste sur internet, en laissant par exemple la marge de manœuvre aux autorités compétentes pour supprimer tout contenu illicite.
Si la prévention de la radicalisation passe bien-sûr par un travail d’endiguement des messages incitant au passage à l’acte sur internet, les gouvernements ont aussi tout intérêt à se pencher sur la radicalisation des détenus condamnés pour terrorisme. L’étude menée sur 163 condamnés pour faits de terrorisme par le sociologue spécialiste des questions de radicalisation Xavier Crettiez montre que sur 99 détenus pour lesquels il a pu obtenir des précisions, 57 d’entre eux n’avaient pas d’antécédents judiciaires (15). Ces statistiques issues d’une étude avant tout quantitative ne doivent pas masquer l’importance de la question de la radicalisation en milieu carcéral. Salah Abdeslam, seul survivant du commando djihadiste des attentats du 13 novembre 2015 a par exemple exercé un profond prosélytisme lorsqu’il était incarcéré à la prison de Fleury Mérogis. Entre janvier 2020 et janvier 2021, il a par exemple tissé une relation de confiance avec son voisin de cellule, un détenu connu comme violent qui a alors totalement adhéré aux paroles prophétiques de Salah Abdeslam (17). L’administration pénitentiaire, en France mais également partout en Europe, doit donc s’organiser pour tenter d’endiguer un maximum les phénomènes de radicalisation en détention.
Des programmes de prévention de la radicalisation existent au niveau européen, à l’image du Radicalization Awarness Network. L’objectif de ce réseau mis en place par la Commission Européenne est de favoriser le dialogue et l’échange de savoir-faire des partenaires européens en matière de prévention de toutes les formes d’extrémisme violent (18). A l’échelle du territoire national, on peut citer l’action de la Mission de Lutte contre la Radicalisation Violente de la Direction de l’Administration Pénitentiaire qui décline son action auprès des détenus radicalisés autour de trois volets : la détection, l’évaluation et la prise en charge. L’objectif de cette mission nationale, déclinée en une mission locale interrégionale est notamment de favoriser la réinsertion et la réaffiliation des détenus condamné pour terrorisme arrivant en fin de peine. Cet attachement à la prévention dans la lutte contre le terrorisme permet de replacer les politiques prises à l’échelon européen dans une logique de pro activité et d’anticipation.
Cette dynamique est également perceptible dans la coopération européenne en matière cyber qui doit viser à renforcer la lutte contre le terrorisme. L’une des actions annoncées par l’Union européenne pour lutter contre cette menace dématérialisée est la « numérisation de la coopération judicaire ». (15). Par ailleurs, les États européens ont souhaité renforcer la sécurité de leurs systèmes d’informations. On peut citer deux exemples d’efforts réalisés dans ce domaine. Tout d’abord, le système ETIAS : il doit permettre de tracer les ressortissants des 61 pays non membres de l’Union Européennes qui ne doivent pas faire la demande de visas pour entrer dans l’espace Schengen. En 2016, Jean-Claude Yunker, alors président de la Commission Européenne, légitimait la mise en place d’un tel système: « nous devons savoir qui traverse nos frontières » (19). Dans la même logique est mis en place en 2017 le système EES pour Exit/Entry System. L’objectif de ce dernier étant de gérer les frontières extérieures à l’espace Schengen. Il devrait être mis en exploitation dans tout l’espace Schengen d’ici le troisième trimestre 2022. (20)
La coopération européenne en matière de prévention contre la radicalisation, ou encore dans la recherche de consolidation et de résilience des systèmes d’informations européens font partie intégrante de la lutte contre le terrorisme. Une lutte déclinée ici sur le volet du long terme. D’autres actions de l’Union Européenne semblent mêler cette fois mécanismes de réaction et d’anticipation.
3. Une réponse européenne protéiforme pour une menace de nature changeante.
L’Union Européenne a tout d’abord travaillé à la mise en place d’une coopération judiciaire et policière. L’agence européenne de police criminelle Europol (21) est chargée de la facilitation des échanges de renseignements dans les domaines de stupéfiants, de criminalité internationale, de pédophilie mais également de terrorisme. Existe en effet un Centre Européenne de lutte contre le terrorisme à Europol. Cette agence exerce pleinement ses fonctions depuis 1999, depuis que les États membres de l’Union Européenne ont ratifiés sa création. Depuis 2010, elle s’est muée en une agence communautaire, ce qui renforce le poids de l’UE dans son fonctionnement. On peut aussi mentionner Eurojust (22), l’unité de coopération judiciaire de l’Union Européenne, utile notamment dans la coopération pour les extraditions. Enfin, le réseau Atlas (23), par ailleurs, est un regroupement des forces spéciales de police des 27 États-membres, chargé de renforcer la coopération entre les différentes unités de police. Créé en 2001 après les attentats du 11 septembre, il a pour agence mère Europol. L’action de l’UE en matière de lutte contre le terrorisme s’oriente également vers la mise au point d’une liste des personnalités encartées pour terrorisme, de la lutte contre les armes à feu ou encore de la volonté de produire des efforts dans la suppression des financements du terrorisme. (15).
Enfin, l’ambiguïté de la réponse européenne face à la menace terroriste se mesure dans le travail législatif qui a été produit à la suite de l’augmentation de la menace au tournant du XXIe siècle. Réponse à la fois apportée dans l’urgence, cette prolifération des lois européennes de lutte contre le terrorisme doit aussi permettre de mieux anticiper cette menace. La Déclaration des chefs d’État ou de gouvernement rédigée à Bruxelles en 2015 témoigne de la volonté des partenaires européens d’institutionnaliser leur réponse. Elle se développera autour de trois volets : assurer la sécurité des concitoyens, prévenir la radicalisation et protéger les valeurs et enfin la coopération avec les partenaires à l’échelle internationale. La Déclaration conjointe du 13 novembre 2020 est moins précise et ce car elle regroupe des thématiques de travail fondamentalement différenciées. Si elle indique souhaiter orienter son action vers « la coopération policière et judicaire », elle indique vouloir « protéger les citoyens européens contre l'instrumentalisation ou la redéfinition des traditions religieuses à des fins extrémiste » tout en n’entrainant pas « l'exclusion ni la stigmatisation de groupes religieux » (24). En effet, l’Union Européenne l’indique, il s’agit de « lutter contre le terrorisme, sans compromettre les valeurs communes de l'UE » (15).
Ainsi, l’Union Européenne a su coopérer dans des domaines pourtant très régaliens (justice, armée, défense, sécurité etc.) pour mettre au point une réponse politique coordonnée aux attentats qui l’ont touché à partir des années 2000.
III. Les convergences/divergences avec le projet de défense européenne portée par la PFUE.
La défense de l’Europe se trouve dans un moment charnière. Ce point de rupture a été rendu saillant par la réponse commune qu’ont dû apporter les États européens à l’invasion russe de l’Ukraine en février dernier. L’Europe a alors pris conscience de la nécessité de redéfinir sa doctrine de défense (25).
Deux visions s’opposent alors. D’un côté, les États-membres qui souhaitent continuer à placer leur défense et leur sécurité nationale sous la protection des Etats-Unis (les armes nucléaires américaines sont encore présentes dans de nombreux pays européens tels que l’Allemagne, la Pologne ou encore les Pays-Bas). En effet, l’allié américain a démontré récemment sa volonté de rester le protecteur de l’Europe (26), en témoignant de la crédibilité de son offre de défense avec l’aide importante apportée au gouvernement ukrainien (27).
D’un autre côté et face à cette organisation historique de la défense européenne, la France, encore à la tête de l’Union Européenne pour deux semaines, propose à ses partenaires européens un projet innovant. Dès 2017, E. Macron préconisait une « capacité d’action autonome de l’Europe » (28) qui induisait implicitement une mise à distance de l’allié américain. E. Macron avait alors étayé sa stratégie de défense pour l’Europe autour d’une dialectique bien précise : « Nous vivons en Europe un double mouvement : un désengagement progressif et inéluctable des Etats-Unis, et un phénomène terroriste durable qui a pour projet assumé de fracturer nos sociétés libres. » (28). Le président français avait alors détaillé son projet de défense européenne dont la mise en œuvre devait être accéléré lors de la PFUE(29).
On peut s’interroger sur le degré de concordance du projet français de défense européenne avec les mécanismes européens de lutte contre le terrorisme. Trois grands axes de défense pouvaient être dégagés du discours de la Sorbonne de 2017 d’Emmanuel Macron, qui a servi de base au projet européen de défense portée par la France lors de la PFUE :
sur la défense/sécurité : l’autonomie de la défense de l’Europe s’inscrit dans la volonté de la France d’acter le changement de paradigme géopolitique à l’œuvre en 2017. En effet, il y avait un sentiment d’absence de risque de guerre directe avec en parallèle la montée en puissance du terrorisme, menace se trouvant en dessous du seuil de réaction de l’Union Européenne ou de l’OTAN.
la maîtrise des frontières : si cette préoccupation répondait à la « crise migratoire », on s’aperçoit que la montée en puissance de la menace terroriste n’a pas relégué ce sujet au second plan.
politique étrangère : en 2017, elle devait surtout se tourner vers l’Afrique.
En analysant ces préconisations de 2017 avec les actions menées par l’Europe en matière de lutte contre le terrorisme, on parvient à cette schématisation de leur compatibilité :
Les mécanismes européens de lutte contre le terrorisme semblent être compatibles avec le projet de défense porté par la France lors de cette PFUE. L’une des raisons de ce rapprochement paradigmatique tient dans l’effet fédérateur qu’ont eu les attentats sur le processus de coopération européenne. Face à ces chocs, les États européens ont perçu la nécessité de se coordonner rapidement. Face aux réseaux tentaculaires des entreprises terroristes, les partenaires européens ont pu saisir les intérêts respectifs qu’ils trouveraient dans une coopération à l’échelle européenne qui leur permettrait, in fine, de renforcer durablement leur sécurité nationale.
Ainsi, ces mécanismes européens rejoignent la logique recherchée par la France d’autonomie et de souveraineté de la défense européenne. La guerre en Ukraine pourrait-elle avoir ce même effet fédérateur? (30). D’un point de vue néo-réaliste, les États recherchent avant tout leur propre sécurité. Face à une menace russe bien réelle, les États européens pourraient ressentir le besoin de resserrer leurs relations de défense afin d’augmenter leur propre sécurité. Si le projet de défense européenne porté par la France lors de cette PFUE semble bien ancré dans la réalité des menace auxquelles doit faire face l’Union Européenne, à l’image du terrorisme, le choix du protecteur de l’Europe n’est toujours pas, à ce jour, acté en faveur du projet français.
Conclusion
La lutte contre le terrorisme organisée à l’échelle européenne peut être prise comme un exemple de coopération européenne en matière de défense. La menace terroriste est de nature imprévisible, spontanée et donc par définition très difficile à appréhender. Face à la vague d’attentats qui a touché l’Europe à partir des années 2000, la coopération régionale a donc été quasiment imposée à des États avant tout soucieux d’assurer leur propre sécurité. Ces politiques européennes de lutte contre le terrorisme pourraient être le signe de l’existence d’une « culture stratégique partagée entre les européens » (31). Cette dernière est considérée par la France comme le terreau nécessaire à la mise en place d’une politique européenne de défense, autonome et souveraine. Cependant, plusieurs obstacles s’opposent à cette vision schématique de la construction de ce terrain stratégique. À l’image de la menace terroriste qui n’est pas priorisée de la même façon par les États qui ont été touchés ou non par des attentats, la perspective d’une défense européenne autonome n’est pas considérée par tous les États européens comme viable, selon leur degré de dépendance vis-à-vis les Etats-Unis par exemple.
(1) Traduit de l’anglais : « The recent terrorist-attacks in France, the counter-terrorism measures taken in Belgium and the growing threat posed by the phenomenon of foreign terrorist fighters all over the world sends a clear and strong message that counter-terrorism efforts have to be reinforced both at national and EU level », Riga Joint Statement, 29th, January 2015.
(2) Riley, K. Jack, et al. “Flight of Fancy?: Air Passenger Security Since 9/11.” The Long Shadow of 9/11: America’s Response to Terrorism, edited by Brian Michael Jenkins and John Paul Godges, RAND Corporation, 2011, pp. 147–60.
(3) « Le plan VIGIPIRATE | DGSI ».
https://www.dgsi.interieur.gouv.fr/decouvrir-la-dgsi/nos-missions/lutte-contre-terrorisme-et-extremismes-violents/plan-vigipirate (consulté le 14 juin 2022).
(4) « Etat d’urgence en France », Franceinfo.
https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/terrorisme/attaques-du-13-novembre-a-paris/etat-d-urgence-en-france/ (consulté le 13 juin 2022).
(5) Stein, Bloch. La doctrine Bush de l' "engagement collectif" ou la continuité de la politique étrangère américaine au Moyen Orient. In: Politique étrangère, n°1 - 2002 - 67ᵉannée. pp. 149-171.
(6) TENENBAUM Élie, « Guerre hybride : concept stratégique ou confusion sémantique ? », Revue Défense Nationale, 2016/3 (N° 788), p. 31-36.))
(7) CHAOUCH Myriam, « Quelle perception de la menace terroriste ? », Revue Défense Nationale, 2018/2 (N° 807), p. 29-34.
(8) « Revue stratégique de défense et de sécurité nationale - 2017 », vie-publique.fr.
https://www.vie-publique.fr/rapport/36946-revue-strategique-de-defense-et-de-securite-nationale-2017 (consulté le 14 juin 2022).
(9) « Déclaration commune des ministres de l’intérieur de l’UE sur les attentats terroristes perpétrés récemment en Europe ».
https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2020/11/13/joint-statement-by-the-eu-home-affairs-ministers-on-the-recent-terrorist-attacks-in-europe/ (consulté le 13 juin 2022).
(10) « Code frontières Schengen: le Conseil adopte un règlement pour renforcer les contrôles aux frontières extérieures ».
https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2017/03/07/regulation-reinforce-checks-external-borders/ (consulté le 15 juin 2022).
(11) « Principales responsabilités ».
https://frontex.europa.eu/fr/nos-activites/principales-responsabilites/ (consulté le 15 juin 2022).
(12) « L’UE renforce les règles visant à prévenir de nouvelles formes de terrorisme ». https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2017/03/07/rules-to-prevent-new-forms-of-terrorism/ (consulté le 15 juin 2022).
(13) « L’UE renforce les règles visant à prévenir de nouvelles formes de terrorisme ». https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2017/03/07/rules-to-prevent-new-forms-of-terrorism/ (consulté le 15 juin 2022).
(14) « Revue stratégique de défense et de sécurité nationale - 2017 », vie-publique.fr.
https://www.vie-publique.fr/rapport/36946-revue-strategique-de-defense-et-de-securite-nationale-2017 (consulté le 14 juin 2022).
(15) « Action de l’UE face au terrorisme ».
https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/fight-against-terrorism/ (consulté le 15 juin 2022).
(16) « Terrorisme : une étude pour cerner le profil des auteurs d’attentat », Le Monde.fr, 13 novembre 2019. Consulté le: 15 juin 2022. [En ligne]. Disponible sur: https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/11/13/terrorisme-une-etude-pour-cerner-le-profil-des-auteurs-d-attentat_6019006_3224.html
(17) P. Z. L. et J. P.-L. L. 9 septembre 2021 à 16h33, « Prosélytisme, échanges avec ses codétenus, courriers : comment Salah Abdeslam se comporte en prison », leparisien.fr, 9 septembre 2021. https://www.leparisien.fr/faits-divers/proselytisme-echanges-avec-ses-codetenus-courriers-comment-salah-abdeslam-se-comporte-en-prison-09-09-2021-4KHGUG4R3RHCLIPBULJSDKEEOI.php (consulté le 15 juin 2022).
(18) « Radicalisation Awareness Network (RAN) ».
https://ec.europa.eu/home-affairs/networks/radicalisation-awareness-network-ran_en (consulté le 15 juin 2022).
(19) ETIAS - Système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages », SchengenVisaInfo.com.
https://www.schengenvisainfo.com/fr/etias/ (consulté le 15 juin 2022).
(20) S. d’État aux migrations, « Entry/Exit System (EES) ». https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/themen/einreise/ees.html (consulté le 15 juin 2022).
(21) « About Europol | Europol ».
https://www.europol.europa.eu/about-europol (consulté le 15 juin 2022).
(22) « Who we are | Eurojust | European Union Agency for Criminal Justice Cooperation ». https://www.eurojust.europa.eu/about-us/who-we-are (consulté le 15 juin 2022).
(23) « null », European Commission - European Commission. https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_13_335 (consulté le 15 juin 2022).
(24) « Déclaration commune des ministres de l’intérieur de l’UE sur les attentats terroristes perpétrés récemment en Europe ».
https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2020/11/13/joint-statement-by-the-eu-home-affairs-ministers-on-the-recent-terrorist-attacks-in-europe/ (consulté le 15 juin 2022).
(25) « Veille PFUE: La défense de l’Europe: projet franco-français ou résultat d’une stratégie réaliste ? », IEC-IES.
https://www.institut-crises.org/post/veille-pfue-la-défense-de-l-europe-projet-franco-français-ou-résultat-d-une-stratégie-réaliste (consulté le 15 juin 2022).
(26) « Veille PFUE: La relation USA/UE: levier ou frein au projet français de souveraineté européenne? », IEC-IES.
https://www.institut-crises.org/post/veille-pfue-la-relation-usa-ue-levier-ou-frein-au-projet-français-de-souveraineté-européenne (consulté le 15 juin 2022).
(27) « Ukraine: nouvelle aide militaire américaine, les alliés appelés à intensifier les livraisons d’armes », Courrier international.
https://www.courrierinternational.com/depeche/ukraine-nouvelle-aide-militaire-americaine-les-allies-appeles-a-intensifier-les-livraisons-d-armes.afp.com.20220615.doc.32ch9u3.xml (consulté le 15 juin 2022).
(28) « Initiative pour l’Europe - Discours d’Emmanuel Macron pour une Europe souveraine, unie, démocratique. », elysee.fr, 26 septembre 2017.
https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2017/09/26/initiative-pour-l-europe-discours-d-emmanuel-macron-pour-une-europe-souveraine-unie-democratique (consulté le 25 mai 2022).
(29) « Veille PFUE - « Un projet européen sur le long terme: la stratégie européenne d’Emmanuel Macron » », IEC-IES.
https://www.institut-crises.org/post/veille-pfue-un-projet-européen-sur-le-long-terme-la-stratégie-européenne-d-emmanuel-macron (consulté le 15 juin 2022).
(30) « Veille PFUE - « La guerre en Ukraine, un catalyseur fédérant l’Union Européenne » », IEC-IES. https://www.institut-crises.org/post/veille-pfue-la-guerre-en-ukraine-un-catalyseur-fédérant-l-union-européenne (consulté le 15 juin 2022).
(31) M. de l’Europe et des A. étrangères, « L’Europe de la défense », France Diplomatie - Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/securite-desarmement-et-non-proliferation/l-europe-de-la-defense/ (consulté le 2 juin 2022).
コメント