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Veille hebdo Covid – Un regain de l’épidémie dans une situation mondiale instable

institutcrises

Dernière mise à jour : 30 oct. 2020

Directeur de publication : Thomas MESZAROS

Responsables pédagogiques : Fabien DESPINASSE, Jean-Luc LAUTIER & Antoine CRÉTIEN

Selon les derniers chiffres officiels de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 35 millions de personnes dans le monde auraient été affectées par le Covid-19. Cependant, cette semaine, Michael J. Ryan, le directeur des urgences sanitaires de l’OMS a suggéré que 760 millions de personnes, soit 10% de la population mondiale, pourraient avoir été atteintes. Ces dernières informations soulèvent ainsi la question de la véracité du taux de mortalité. Le site de l’OMS donne toujours un taux de mortalité compris entre 3 et 4%. Toutefois, les statistiques prenant en compte les personnes asymptomatiques non déclarées positives, affichent un taux de mortalité aux alentours des 0,14%.

I. Une situation sanitaire mondiale instable à l’approche de l’hiver

La situation mondiale reste donc inquiétante et les mois qui arrivent semblent propices à un rebond de l’épidémie puisque les autres coronavirus mieux connus, comme ceux responsables des rhumes, se propagent notamment en hiver.

Le cap du million de morts du coronavirus a été franchi dans le monde [1]. Après l'apparition du virus en Chine en décembre, l'Europe est rapidement devenue l'épicentre de l'épidémie obligeant plusieurs pays à confiner leur population dès le mois de mars. Les foyers majeurs de l'épidémie se situent aujourd’hui dans la zone Amérique et Asie du Sud-Est, à l'origine de respectivement 37% et 30% des cas rapportés dans le monde entre le 28 septembre et le 4 octobre 2020 [2].

Source : BBC / Copyright : BBC / Utilisation non commerciale

Dans la zone Amérique qui comprend les États-Unis et l’Amérique Latine, une diminution du nombre de cas a été observée mais le nombre de cas rapportés reste encore très élevé. Aux États-Unis, la baisse globale du nombre de cas, amorcée en juillet et en août, ralentit ces dernières semaines et certains États du Midwest rapportent encore une forte hausse de nouveaux cas.

Une reprise de l'épidémie est observée dans de nombreux pays européens, où sont localisés 24% des cas rapportés dans le monde. En Allemagne, la hausse rapide du nombre de contaminations inquiète. Le 8 octobre, plus de 4 000 nouveaux cas de Covid ont été enregistrés en Allemagne et Lothar Wieler, le président de l’institut de santé Robert-Koch, a prévenu lors d’une conférence de presse qu’il est possible que le seuil des 10 000 cas par jour soit dépassé et que le virus se propage de façon incontrôlée. La gestion de la crise allemande, prise en exemple depuis le mois de mars, connaît quelques difficultés. Cette semaine, un couvre-feu a été établi entre 23 heures et 6 heures à Berlin, Francfort et Cologne. Ce couvre-feu, qui concerne tous les magasins sauf les pharmacies et stations-service, sera en place au moins jusqu'au 31 octobre. Le gouvernement fédéral et les Länders multiplient les annonces contradictoires et un manque criant de coordination met en exergue certaines rivalités politiques grandissantes à un an du départ attendu d’Angela Merkel de la chancellerie.

La Belgique, qui avait limité les mesures restrictives ces dernières semaines, a annoncé une nouvelle batterie de mesures pour enrayer la progression de l’épidémie. Le nouveau gouvernement, entré en fonction le 1er octobre, a souhaité limiter à quatre personnes la « bulle sociale » instaurée cet été. De plus, les bars et cafés seront fermés sur tout le territoire de la région de Bruxelles jusqu’au 8 novembre.

En Italie, contrairement au printemps, la Lombardie est relativement épargnée par cette recrudescence, tandis que c’est cette fois-ci le Latium et le sud de la Péninsule qui sont les plus durement touchés et la situation est particulièrement préoccupante dans la région de Naples. Depuis le 8 octobre, le gouvernement italien a généralisé le port du masque en extérieur sur l’ensemble du territoire.

II. L’impact de la pandémie de Covid sur le taux mondial d’extrême pauvreté

Cette semaine, la Banque mondiale, a mis en exergue les conséquences aggravantes de la pandémie de coronavirus [3]. En effet, selon celui l’étude de la Banque mondiale « de nombreux pays connaissant une chute des revenus du travail d’une magnitude jusqu’ici rarement observée ». Pour la première fois depuis près d’un quart de siècle, l’extrême pauvreté va augmenter dans le monde et la crise du Covid va faire basculer, d’ici à la fin de 2021, jusqu’à 150 millions de personnes sous le seuil d’extrême pauvreté. La chute de l’économie mondiale devrait atteindre les 5,2 % en 2020 et selon l’Organisation internationale du travail 195 millions d’emplois devrait être détruit au second semestre.

Source : LeMonde / Copyright : LeMonde / Utilisation non commerciale

Cette situation est d’autant plus inquiétante que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) affirme que les incertitudes liées à la propagation de la pandémie de Covid-19 vont peser durablement sur la croissance mondiale et compliquer la reprise. L’OCDE insiste alors sur le fait que « les politiques de soutien des Etats doivent se poursuivre. L’objectif est d’éviter les resserrements budgétaires prématurés à un moment où les économies sont encore fragiles ».

En France, Véronique Fayet, présidente du secours catholique, avait annoncé dès le mois d’août 2020 que la crise du Covid pourrait faire basculer plus d’un million de français dans la pauvreté. Un article du journal LeMonde confirme ce chiffre. Partout en France, les indicateurs virent au rouge : la Banque de France anticipe un taux de chômage au-dessus des 10 % en 2020, puis de 11 % dès le premier semestre 2021, le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire a bondit d’environ 30 %, les départements voient arriver de nouveaux demandeurs du revenu de solidarité active (+ 10 % sur l’ensemble du pays). Florent Guéguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité redoute quant à lui que « ce chiffre d’un million supplémentaire de pauvres » soit malheureusement « une estimation basse, compte tenu des 800 000 pertes d’emploi attendues fin 2020 ».

Alors que l’attention du monde se concentre sur la pandémie, la Banque mondiale redoute que la progression du taux d’extrême pauvreté soit le signe avant-coureur de deux risques mondiaux majeurs : les conflits armés et le réchauffement climatique qui ont déjà par le passé contribué à faire ralentir le rythme de réduction de la pauvreté.

« La conjonction de la pandémie, du poids des conflits et des dérèglements climatiques mettra hors de portée l’objectif visant à mettre fin à la pauvreté d’ici à 2030 », Communiqué de presse de la Banque mondiale, 7 octobre 2020 [4].

III. Vers un nouvel « état d’urgence sanitaire » en France ?

En France, les indicateurs de l’épidémie de Covid se sont encore détériorés. Le nombre de malades hospitalisés en réanimation, l’un des indicateurs les plus importants pour suivre l’évolution de l’épidémie, a légèrement augmenté. Le taux de positivité des tests (proportion des personnes positives sur l’ensemble des personnes testées) continue sa progression et dépasse les 10 %, à 10,4 %. Les malades du Covid représentent désormais près de 41 % des lits de réanimation. Le passage à 60 % déclencherait « l’état d’urgence sanitaire ». Ce statut pourrait alors « s’accompagner d’autres mesures, avec des fermetures de commerces non essentiels ».

« Si à certains moments c’est nécessaire, il faudra le faire. Si à certains moments, il faut prendre une décision de couvre-feu, il faudra le faire. Une fois de plus quittons notre modèle français permanent, regardons ce qui se fait ailleurs, partageons l’extrême difficulté de réponse » Jean-François Delfraissy, 9 octobre 2020.

Samedi 10 octobre, la zone d’alerte maximale s’élargit. Aix-Marseille, Paris, Lille, Grenoble et Lyon figurent désormais et Toulouse et Montpellier, qui présentent « des caractéristiques épidémiques inquiétantes » pourraient intégrer cette liste d’ici à lundi matin. Olivier Véran a affirmé lors de sa conférence de presse hebdomadaire que les mesures restrictives sont réévaluées « en permanence ». A ce jour, dans ces métropoles où la situation épidémique s’est trop dégradée, les bars devront rester fermés pour une période d’au moins quinze jours, les restaurants devront appliquer un protocole sanitaire strict, les foires et salons professionnels devraient être interdits, tandis que des jauges plus limitées devraient être imposées dans les amphithéâtres universitaires.

Jean-François Delfraissy, invité de Jean-Jacques Bourdin, a affirmé que la gestion de la crise devait être appréhendée avec une « vision de moyen et long terme », insistant ainsi sur le fait qu’un retour à la « normale » ne peut être envisagé avant l’été prochain.

L’augmentation du niveau d’alerte sur le territoire français n’est cependant pas une exception comme le démontre l’étude des mesures prises dans les autres pays européens à l’approche de l’hiver.

« La situation de la France en matière de Covid-19 reflète celle d’autres pays européens, dont les Pays-Bas, la Pologne, l’Ukraine et la République tchèque, qui ont tous enregistré une augmentation record du nombre de cas quotidiens jeudi. Même l’Allemagne, qui a relativement bien géré la pandémie par rapport à ses voisins européens, a commencé à constater ce que son ministre de la Santé a appelé une augmentation inquiétante des cas. » BBC, 9 octobre 2020.

IV. La question de l’éthique dans la course au vaccin

La mise au point d’un vaccin contre le Covid-19 est devenu un gigantesque enjeu sanitaire, économique et géopolitique. Les entreprises pharmaceutiques sont lancées dans une course depuis le mois de mars et les Etats en ont fait un enjeu de pouvoir. Mais quelles sont les limites de cette course au vaccin ?

Le Royaume-Uni souhaite lancer en janvier 2021 le premier essai mondial de Covid-19 sur l’Homme. Cet essai viserait à délibérément infectés des volontaires sains pour évaluer l’efficacité de vaccins expérimentaux. Plus de 2 000 personnes ont candidaté pour participer à ce « défi » lancé par le groupe 1Day Sooner et supervisé par l’Imperial College de Londres. L’essai devrait être réalisé par l’entreprise hVivo [5] qui assure avoir déjà conduit huit challenges infectieux notamment sur la grippe, le rhinovirus, le virus syncytial ou la bronchite chronique.


« En période épidémique d'une maladie infectieuse grave, (la méthode du challenge infectieux) peut être considérée comme supérieure à la méthodologie habituelle des essais cliniques consistant à vacciner un très grand nombre de personnes et à déterminer au bout de plusieurs semaines ou mois l'incidence, en milieu écologique, de l'infection dans le groupe vacciné versus un groupe contrôle. » Edito du Professeur Muriel Rainfray Octobre 2020

L'Agence britannique de réglementation des médicaments et des produits de santé qui doit approuver ce nouveau projet aux côtés d’un comité d’éthique indépendant affirme que « les essais sur l'Homme peuvent être justifiés pour le développement de vaccins et pour fournir des preuves précoces de l'efficacité clinique, en particulier lorsque les taux d'infection du virus sont faibles dans la population ».

Cette méthode scientifique, qualifiée de « challenge infectieux humain » pose de lourdes questions éthiques au cœur de la course au vaccin. Cette méthode n’est pas nouvelle puisqu’elle a été utilisée la première fois en 1796 par Edward Jenner qui avait découvert la vaccination en inoculant la variole au fils de son garçon de ferme. Plus récemment, la méthode a été utilisée dans la recherche de vaccins ou de traitements contre la typhoïde, le choléra ou le paludisme. Toutefois, les standards éthiques ont évidemment changé et trois médecins américains, Nir Eyal, Marc Lipsitch et Peter Smith, affirment que cette méthode peut être employé aujourd’hui « si les volontaires l’autorisent et si leur sélection rend ce risque limité ».

Cette pratique offre un atout de taille puisqu’elle permettrait de raccourcir et simplifier le processus de test des vaccins, en particulier dans sa phase 3. Elle permettrait de diminuer le nombre de volontaires et de réduire la durée d’observation. L’OMS, dans une note du 6 mai 2020 a livré « les critères pour rendre acceptable un challenge infectieux ». Ces critères reposent notamment sur la sélection des volontaires qui doivent être des sujets jeunes, en bonne santé, déjà exposés dans leur vie courante au virus mais n’appartenant pas à une profession essentielle. En France, le Conseil scientifique dans son avis du 9 juillet s'est clairement positionné contre le challenge infectieux qui ne sera pas utilisé dans les essais cliniques pilotés par l'INSERM.

Toutefois, de nombreux scientifiques s’opposent encore à cette méthode et de nombreuses questions restent en suspens : quelles informations apportera ce challenge quant à la protection des personnes à risques si ce challenge est réalisé uniquement sur des volontaire jeunes et sans comorbidités ? quelle « thérapie de secours » pourrait-être utilisée si un volontaire réagit mal ? Quel degré de risque est acceptable de faire prendre à des individus pour le bien du plus grand nombre ?

Ces questions sont également valables concernant les appels à volontaires pour participer à des essais cliniques de vaccins contre le Covid. En France, une plateforme d’inscription en ligne a été lancée jeudi 1er octobre 2020. Pour se porter volontaire, il faut remplir un questionnaire d’informations puis de santé : âge, maladies chroniques préexistantes, traitements médicaux, métier de contact. Les inscriptions sont ouvertes à toute personne majeure et sans limite d’âge et l’Inrsem affirme chercher « à inclure le plus de personnes à risques possibles, puisque ce sont elles qui sont les plus à même de développer des formes graves de la maladie ».

 

[1] Johns Hopkins University, « COVID-19 Dashboard by the Center for Systems Science and Engineering », mis à jour quotidiennement (en ligne). Disponible sur : https://coronavirus.jhu.edu/map.html

[3] Banque Mondial, communiqué de presse « La pandémie de COVID-19 risque d’entraîner 150 millions de personnes supplémentaires dans l'extrême pauvreté d’ici 2021 », 7 octobre 2020, (en ligne). Disponible sur : https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2020/10/07/covid-19-to-add-as-many-as-150-million-extreme-poor-by-2021

[4] Banque Mondial, communiqué de presse « La pandémie de COVID-19 risque d’entraîner 150 millions de personnes supplémentaires dans l'extrême pauvreté d’ici 2021 », op.cit.

[5] Pour plus d’informations sur l’entreprise hVivo : https://hvivo.com/aboutus/

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