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Veille Hebdo Covid – Mise en œuvre des stratégies vaccinales

Dernière mise à jour : 10 déc. 2020

Directeur de publication : Thomas MESZAROS

Responsable pédagogique : Fabien DESPINASSE


I. Les Amériques et l’Europe, les deux foyers majeurs de l’épidémie


Source : Santé publique France / Copyright : Santé publique France / Utilisation non commerciale



Selon l’Organisation mondiale de la santé, 62 662 181 cas confirmés de COVID-19 étaient rapportés dans le monde, dont 1 460 223 décès, au 1er décembre 2020 [1]. Les Amériques et l’Europe demeurent les deux foyers majeurs de l’épidémie, avec respectivement 42% et 40% des nouveaux cas rapportés au niveau mondial, bien que l’Europe rapporte une tendance à la baisse pour le nombre de nouveaux cas pour la deuxième semaine consécutive. L’Asie du Sud-Est et l’Afrique connaissent une légère augmentation du nombre de nouveaux cas. Au Moyen-Orient, la situation reste préoccupante dans certains pays bien que la région rapporte pour la première fois, après 4 mois de hausse continue, une légère baisse du nombre de nouveaux cas et de nouveaux décès.


Dans les Amériques [2] le nombre de nouveaux cas est en hausse. La majorité des nouveaux cas ont été rapportés aux États-Unis, au Brésil, au Mexique, en Colombie et en Argentine.

Au Brésil, le nombre de contaminations et de morts augmente et les scientifiques appellent à des mesures drastiques. La deuxième vague de Covid-19 paraît bel et bien arrivée au Brésil, deuxième État le plus endeuillé de la planète par la pandémie. Elle touche de nombreux États mais Sao Paulo et Rio de Janeiro, déjà épicentres de la crise lors de la première vague, connaissent à nouveau une situation tendue. La résurgence de l’épidémie semble être expliquée par le relâchement des gestes barrières et les nombreux rassemblements ayant eu lieu à l’occasion des élections municipales. La première vague et la crise économique qui en a découlé a déjà fortement affaibli le pays et l’espoir se porte sur la vaccination massive dans les mois à venir. Toutefois cette stratégie semble entravée par le Président Jair Bolsonaro qui a déjà affirmé qu’il « ne se vaccinerait sous aucun prétexte ».

En Argentine, le pic de la première vague semble avoir été passé mais les infectiologues craignent l’arrivée d’une deuxième vague avant la vaccination. Le pays avait mis en œuvre des mesures de confinement dès le mois de mars et les avait progressivement levées entre mai et septembre. Cependant, malgré les restrictions, l’Argentine déplore une forte mortalité. Les spécialistes identifient différents facteurs pouvant expliquer cela : la crise économique qui frappe le pays depuis 2018 et qui a imposé aux travailleurs informels de continuer à travailler, la forte densité urbaine, l’insalubrité des bidonvilles et quartiers populaires mais aussi l’âge des habitants du Grand Buenos Aires (15 % de la population de la capitale a plus de 65 ans).

Aux États-Unis, plus de 210 000 nouvelles contaminations ont été rapportées en 24 heures. En Californie, le gouverneur Gavin Newsom affirme que « les hospitalisations ont augmenté de 86% seulement au cours des quatorze derniers jours ». Le pays qui connaît aujourd’hui une troisième vague redoute que les trois mois à venir soient « la période la plus difficile de l’histoire du pays » en matière sanitaire. Jeudi 3 décembre a marqué un nouveau palier avec plus de 100 000 malades hospitalisés, dont 29 000 en soins intensifs, avec plus de 3 000 morts, cette journée a surpassé les pires périodes de la première vague. Cette nouvelle flambée intervient une semaine après Thanksgiving : à cette occasion, en dépit des recommandations des centres pour le contrôle et la prévention des maladies des millions d’Américains se sont déplacés à travers le pays, impulsant dans les aéroports une activité inédite depuis le début de la pandémie. Les responsables sanitaires mettent en garde contre de tels mouvements lors de la période de Noël, alors que « 90 % des hôpitaux sont désormais en zone rouge ».

Au Québec, le premier ministre, François Legault, compte sur « l’esprit de responsabilité des Québécois » et interdit les rassemblements familiaux pour les fêtes de Noël. Dans toutes les zones « rouges » où l’épidémie est particulièrement virulente et où vit 91 % de la population du Québec, les familles devront donc se contenter de célébrer Noël ou le passage à la nouvelle année entre membres vivant sous le même toit. Au Québec la situation sanitaire se dégrade et en moins d’un mois le nombre de nouvelles infections dans la province passait d’un plateau d’un millier de nouveaux cas quotidiens pour frôler les 1 500 par jour, pour un total de 146 532 cas observés depuis le début de la pandémie. Le premier ministre affirme lui aussi, à la lumière de ce qui se passe aux États-Unis, que « les trois prochains mois pourraient être les pires de la pandémie ». Le Québec n’est pas la seule province canadienne à se résoudre à imposer un confinement pour les festivités, l’Ontario et le Manitoba, implorent leurs concitoyens de rester chez eux.


En Europe [3], pour les pays de l’UE/EEA et le Royaume-Uni, l’augmentation du taux d’incidence se poursuit dans une grande majorité des pays. Comme la semaine précédente, les pays européens font partie des pays avec les taux d’incidence les plus élevés dans le monde. En Italie, après le signalement de 993 morts en vingt-quatre heures, jeudi, le ministère de la santé a annoncé 814 décès supplémentaires dus à l’épidémie, ainsi que plus de 24 000 nouveaux cas, vendredi. Le gouvernement a donc décidé de durcir les conditions de déplacement à l’intérieur du pays pour les fêtes de fin d’année.

Au Royaume-Uni, le nombre quotidien de contaminations au coronavirus a atteint, vendredi 4 décembre, son plus haut niveau depuis le 26 novembre avec plus de 16 000 nouveaux cas. La pandémie a déjà fait, dans l'ensemble du Royaume-Uni, plus de 55 000 morts, soit le niveau le plus élevé d'Europe en valeur absolue, et le cinquième pays du monde derrière les États-Unis, le Brésil, l'Inde et le Mexique.

En Grèce, le confinement en vigueur depuis un mois a été de nouveau prolongé d’une semaine en raison de taux toujours élevés de contaminations.

En France toutefois, le nombre de patients en réanimation continue sa décrue mais reste encore supérieur à la limite de 3 000 personnes annoncée par Emmanuel Macron pour une levée du confinement le 15 décembre, le nombre de nouveau cas devant lui passer sous la barre de 5 000 par jour.

Cependant, en Europe, l’attention se concentre désormais sur les stratégies vaccinales des prochains mois, occultant la situation actuelle.


II. Vaccin et stratégie vaccinale


On compte désormais 237 projets de vaccins contre le Covid-19 partout dans le monde dont 38 étant testés cliniquement [4]. Les méthodes de ces candidats-vaccins peuvent différer mais tous ont le même but : apprendre au système immunitaire de l’organisme à reconnaître et à fabriquer ses anticorps spécifiquement contre le Sars-CoV-2 [5].

A l’heure où les vaccins sont en passe d’être massivement déployés à l’échelle internationale, Interpol appelle ses 194 États membres à la vigilance face au crime organisé qui pourrait s’immiscer dans le bon approvisionnement des vaccins contre le Covid-19 et tenter de lancer un marché parallèle de faux médicaments et de faux tests [6]. Jürgen Stock, le secrétaire général d’Interpol a affirmé qu’« alors que les gouvernements se préparent à déployer les vaccins, les organisations criminelles prévoient d’infiltrer et de perturber les chaînes d’approvisionnement ». Une nouvelle contrainte logistique s’ajoute donc au déploiement des vaccins et une importante coordination sera nécessaire entre les forces de l’ordre et les organismes de régulation sanitaire.

Les déclarations d’autorisation de différents vaccins et du début de campagnes de vaccinations s’accélèrent. Le Royaume-Uni a été le premier pays au monde à approuver le vaccin Pfizer/BioNTech qui répond à « des normes strictes de sécurité, de qualité et d'efficacité » [7] et sera disponible, en priorité pour les personnes vulnérables (résidents des maisons de retraite, personnel soignant, personnes âgées), dès la semaine du 7 décembre 2020. Matt Hancock, le ministre de la santé britannique, a affirmé qu’il s’agissait d’une grande nouvelle qui « va permettre de sauver des vies » avec « l’espoir que la vie reviendra à la normale autour de Pâques ». Le gouvernement britannique a prévu trois modes de délivrance : les hôpitaux, des centres géants de vaccination et les centres de santé locaux.

À la suite de cette déclaration, l'Agence européenne des médicaments a annoncé mardi 1er décembre 2020 qu'elle tiendrait une réunion extraordinaire le 29 décembre « au plus tard » pour donner son feu vert à la commercialisation du vaccin de Pfizer et BioNTech et d'ici au 12 janvier pour celui du concurrent américain Moderna.

Aux États-Unis, en cas de feu vert des autorités de santé, les deux vaccins pourraient être disponibles dès ce mois-ci. Selon les experts des Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), la vaccination devrait y être offerte en priorité, dans la première phase, aux professionnels du secteur de la santé ainsi qu'aux résidents des maisons de retraite, a recommandé un comité consultatif des Centres de prévention et de lutte contre les maladies. Ces deux populations représentent 24 millions de personnes aux États-Unis, soit le nombre approximatif de gens pouvant être vaccinés en un mois. Toutefois, la recommandation du CDC n’est pas obligatoire et le gouvernement fédéral pourra, au risque de créer la confusion, recommander un autre ordre de priorité. Il reviendra ainsi à chaque État de décider sa stratégie vaccinale propre. De plus, les anciens présidents américains, Barack Obama, George W. Bush et Bill Clinton, ainsi que le prochain locataire de la Maison-Blanche, Joe Biden, se disent prêts à se faire vacciner en public contre le Covid-19 afin d’encourager les Américains à faire de même. Mais ils ont précisé qu'ils laisseraient les personnes les plus vulnérables face au coronavirus recevoir les premières doses disponibles.

En France aussi, alors qu’une partie des Français reste méfiante et ne comptent pas se faire vacciner, se pose la question de vacciner les membres du gouvernement en priorité pour donner l’exemple. Cette méthode pourrait présenter un certain intérêt en France, mais Jean Castex, interrogé sur le sujet a répondu par la négative. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie rappelle, comme Jean Castex, que les ministres ne font pas partie du « public prioritaire » avant d’ajouter « laissons d'abord les personnes prioritaires se faire vacciner, et puis nous ça viendra le moment venu ». Alain Fischer présidera le conseil d’orientation de la stratégie vaccinale française. Ce dernier, qui est un fervent défenseur de la vaccination comme outil de santé publique, esquissait des recommandations concernant la stratégie vaccinale dans une tribune cosignée dans Le Monde. Le texte défini « quatre ingrédients décisifs » : transparence complète dans la diffusion de l’information ; crédibilité de l’information ; présence de relais de proximité ; capacité à inscrire cette information « dans un récit collectif associant esprit de solidarité et citoyenneté ». Jeudi 3 décembre, Jean Castex annonçait que « le début de la vaccination est désormais une question de semaines ».


« Mettre en œuvre cette vaccination représente un défi inédit, avec des impacts majeurs à la fois sanitaires, sociaux et économiques. Mais en ayant des résultats sur les vaccins dès la fin 2020 et un début de vaccination possible début 2021, on se retrouve dans le meilleur scénario possible. » l’infectiologue Odile Launay, membre du comité vaccin Covid-19.


Le calendrier et les populations concernées par la vaccination en France s’inscrit donc dans la lignée des préconisations émises par la Haute Autorité de santé avec l’objectif de « vacciner en priorité les personnes pour lesquelles le virus est le plus dangereux ». La campagne commencera par les personnes hébergées en Ehpad et les personnels à risque, soit près d’un million de personnes, « au mieux fin décembre ou dans les premiers jours de janvier » 2021. A compter de février, la campagne de vaccination se poursuivra en direction des personnes âgées ou souffrant de pathologies chroniques, et pour certains personnels de santé ce qui représente 14 millionsde personnes. Viendra ensuite, au printemps, l’ouverture d’une troisième phase pour l’ensemble de la population. La vaccination sera gratuite pour tous, avec 1,5 milliard d’euros inscrits à cet effet dans le budget de la Sécurité sociale pour 2021.

En présentant la stratégie nationale de vaccination, Jean Castex a insisté sur la nécessaire « proximité », l’implication de la médecine de ville et des collectivités locales.

La stratégie vaccinale « sera présentée au Parlement » au cours du mois de décembre et l’un des principaux enjeux de cette campagne sera de parvenir à convaincre la population. Lors de la conférence de presse de l’Association des maires de France de novembre 2020, ces derniers avaient réclamé que les collectivités soient associées à la campagne de vaccination. Pour cela, le conseil d’orientation de la stratégie vaccinale placé auprès du ministre de la Santé afin d’appuyer le gouvernement dans ses décisions, comportera « des représentants des différentes parties prenantes : experts scientifiques, professionnels de santé, représentant des collectivités, associations de patients et citoyens ». Par ailleurs, le ministre de la Santé Olivier Véran assure être « en lien avec les représentants des collectivités locales pour les associer à toutes les étapes et les modalités pratiques de la campagne de vaccination ».


Les autorités européennes s’inquiètent donc effectivement d’une réticence grandissante des populations à l’égard des vaccins, surtout à l’égard d’un vaccin développé en à peine dix mois. Selon une récente et très vaste étude de la London School of Hygiene & Tropical Medicine, 52 % seulement des Britanniques interrogés en novembre 2019 étaient favorables aux vaccins.

Selon un sondage Elabe pour BFMTV le 25 novembre, près d'un Français sur deux ne compte pas se faire vacciner contre le Covid-19 dans les prochains mois. Le dernier obstacle à une vaccination de masse reste donc l’hésitation vaccinale qui touche une partie non négligeable de la population mondiale. Pour qu'un vaccin soit efficace, il faut qu'une proportion suffisante de la population soit traitée.


« Les gens connaissent le prix de l'hésitation vaccinale : c'est le confinement prolongé qui a des effets collatéraux probablement beaucoup plus sévères et fréquents que ceux d'un vaccin. Je pense que ça peut les persuader que le jeu en vaut la chandelle », Cecil Czerkinsky, immunologue.



 

[2] Pour plus d’informations sur la zone Amériques : Pan American Health Organisation « Coronavirus Disease (COVID-19) pandemic », mis à jour régulièrement, (en ligne). Disponible sur : https://www.paho.org/en/topics/coronavirus-infections/coronavirus-disease-covid-19-pandemic

[3] Pour plus d’informations sur la zone Europe : European Centre for Disease Prevention and Control, « COVID-19 situation update for the EU/EEA and the UK, as of 4 December 2020 », mise à jour quotidienne (en ligne). Disponible sur : https://www.ecdc.europa.eu/en/cases-2019-ncov-eueea

[4] Milken Institute « COVID-19 VACCINE TRACKER », mis à jour régulièrement, (en ligne). Disponible sur : https://www.covid-19vaccinetracker.org

[5] Pour plus d’informations sur le fonctionnement des vaccins : Le Monde, Gary Dagorn « Covid-19 : comment fonctionnent les futurs vaccins », 4 décembre 2020, (en ligne). Disponible sur : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/12/04/comment-fonctionnent-les-futurs-vaccins-contre-le-covid-19_6062151_4355770.html

[6] Interpol.int, « INTERPOL warns of organized crime threat to COVID-19 vaccines », 2 décembre 2020, (en ligne). Disponible sur : https://www.interpol.int/fr/Actualites-et-evenements/Actualites/2020/INTERPOL-warns-of-organized-crime-threat-to-COVID-19-vaccines

[7] Gov.uk, « UK medicines regulator gives approval for first UK COVID-19 vaccine » 2 décembre 2020, (en ligne). Disponible sur : https://www.gov.uk/government/news/uk-medicines-regulator-gives-approval-for-first-uk-covid-19-vaccine




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