Par Chiara ALEXANDRE
Directeur de publication : Thomas MESZAROS
Responsables pédagogiques : Fabien DESPINASSE, Jean-Luc LAUTIER & Antoine CRÉTIEN
I. Le continent européen : nouvel épicentre de la pandémie
En Europe, une augmentation du nombre de cas (+25%) et de la mortalité (+29%) est observée par rapport à la semaine précédente. Avec l’automne, la menace s’est concrétisée et la deuxième vague de la pandémie de Covid est là avec l’Europe en nouvel épicentre [1]. Le 22 octobre, le continent européen dénombrait plus de 8 millions de cas et plus de 256 000 morts. L’évolution de l’épidémie de Covid-19 suscite désormais une « grave inquiétude » dans 23 pays de l’Union européenne, ainsi qu’au Royaume-Uni, selon la dernière évaluation des risques de l’agence sanitaire européenne chargée des maladies.
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Lien de l’infographie : COVID-19 situation update for the EU/EEA and the UK, as of 24 October 2020
Pour ne pas reproduire les erreurs de la première vague, la Commission européenne a établi un document définissant des critères communs d’avancée de la pandémie. Conscients de leurs insuffisances, les chefs d’État et de gouvernement européens ont exprimé lors d’un conseil à Bruxelles le 15 octobre le besoin de davantage se coordonner. Ainsi, une visioconférence sera organisée le 29 octobre 2020 afin qu’ils partagent leur expérience de la crise.
« Au cours de ces derniers mois, de nombreux gouvernements ont introduit des restrictions de voyage. Cela a conduit à un véritable patchwork de mesures. Il est difficile de savoir où l’on peut voyager et quelles sont les règles à suivre pour s’y rendre et rentrer chez soi » Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, 12 octobre 2020.
La portée des recommandations de la Commission reste limitée. Son document définit des critères communs d’avancée de la pandémie à partir desquels les différentes régions de l’Union européenne sont classées en zone rouge, orange ou verte avec une règle corollaire claire : « aucune restriction (quarantaine et/ou test) ne doit être imposée à un voyageur venant d’une zone verte ». La mobilisation générale tardive des chefs d’État européens donne une nouvelle fois l’impression que les pays membres se sont concentrés sur la relance économique mais subissent la situation sanitaire, sans avoir mis à profit l’accalmie estivale. La coordination sanitaire entre Etats membres reste insuffisante et bien que la santé reste une compétence nationale, « beaucoup reste à faire pour harmoniser les critères de contagiosité, de dépistage, de quarantaine, et les conditions de circulation au sein de l’Union ».
La situation sanitaire européenne se dégrade, dans les hôpitaux, les services de réanimation se remplissent à grande vitesse et le nombre de décès hebdomadaires a retrouvé ses niveaux de la mi-mai. Aujourd’hui, les gouvernements cherchent un équilibre entre « des mesures sanitaires suffisamment efficaces pour ralentir les contaminations et la nécessité de préserver au maximum l’activité économique ». À ce stade, aucun pays n’a trouvé de formule idéale et les pays jonglent entre confinements, confinements partiels, couvre-feux et fermetures des bars et restaurants.
L’Irlande et le Pays de Galles sont les premiers pays européens à annoncer un reconfinement « dur ». Pour six semaines en Irlande et deux semaines aux Pays de Galles, tous les commerces non essentiels seront fermés. Les citoyens sont invités à travailler de chez eux cependant, les écoles restent ouvertes.
L’Allemagne, saluée pour sa bonne gestion de la première vague épidémique a enregistré un nombre record de nouveaux cas de contaminations en 24 heures. Un arrondissement du sud de la Bavière, a décidé de se reconfiner pour deux semaines. Les 100 000 habitants ne pourront sortir qu’en cas de nécessité et les écoles, restaurants et hôtels resteront fermés. Ce district est le premier à adopter une telle mesure mais les autorités affirment que d’autres pourraient suivre.
Mercredi 21 octobre, l’Espagne a franchi la barre symbolique du million de personnes contaminées, malgré tous les efforts faits pour contrôler la propagation du virus. Il s’agit du premier pays de l’Union européenne et le sixième pays au monde à dépasser le million de cas. Les autorités ont imposé dans l’urgence de nouvelles restrictions, avec le bouclage partiel d’une dizaine de nouvelles villes et de certaines régions. À Madrid, un couvre-feu est instauré entre minuit et six heures.
L’Italie connait une forte hausse de nouveaux cas avec plus de 10 000 nouveaux malades par jour et les mesures de couvre-feu se succèdent et s’élargissent à de nombreuses régions. De plus, dans certaines régions seuls les élèves du niveau élémentaire sont autorisés à se rendre en classe, les plus âgés suivront leurs cours en ligne.
En Belgique, la situation est critique. Le ministre fédéral de la santé affirme que « la situation sanitaire en Wallonie et à Bruxelles est la plus dangereuse de toute l’Europe, on est tout près d’un tsunami. » Le pays se voit forcé de ne plus tester les patients asymptomatiques pour soulager les laboratoires et réduire les délais d’attente. Toutefois, cela causera un problème de traçage de la propagation du virus, d’autant plus qu’actuellement, la moitié des cas de contamination détectés ne sont pas suivis d’une information des proches de la personne. En Wallonie, 8 300 personnes auraient dû être appelées la semaine dernière mais seulement 1 650 l’ont été.
La Pologne, elle, se retrouve sous le feu des critiques pour sa réaction tardive. Relativement épargné lors de la première vague de la pandémie, le pays semble fortement affaibli par la seconde vague et enregistre 9 200 nouveaux cas par jour. Seize hôpitaux de campagne sont installés dans l’urgence puisque le maintien ou l’augmentation de la courbe de contaminations laisse craindre une saturation totale du système hospitalier d’ici une à deux semaines.
II. Une première évaluation de la gestion de la crise sanitaire en France
En France, « la situation est grave » selon le Premier ministre. La progression rapide et préoccupante de l’épidémie justifie ainsi l’élargissement du couvre-feu à 38 nouveaux départements métropolitains et un territoire d’outre-mer soit 46 millions de Français. La France a enregistré plus de 50 000 contaminations en 24 heures et a franchi le seuil du million de cas depuis le début de l’épidémie. Les mesures de couvre-feu visent à juguler l’épidémie, mais des mesures plus dures sont prévues après une évaluation de la situation dans deux ou trois semaines.
Cette crise sanitaire, qualifiée également de « crise organisationnelle » par les opposants politiques au gouvernement, continue d’être étudiée et les premières études revenant sur la période de mars à mai 2020 visent à améliorer la gestion de la seconde vague.
La Mission indépendante nationale sur l'évaluation de la gestion de la crise Covid-19 et sur l'anticipation des risques pandémiques vient de publier son « rapport d’étape » à l’attention du gouvernement français [2]. Le rapport final sera remis au mois de décembre 2020, mais les premiers enseignements soulevés dans le rapport d’étape semblent essentiels à la gestion de la seconde vague.
Cette Mission indépendante d’évaluation de la réponse française à la crise sanitaire permet par une « approche interdisciplinaire » de dresser un diagnostic structurel des forces et faiblesses des dispositifs d’alerte et de gestion de la crise.
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Lien de l’infographie : Mission indépendante nationale sur l'évaluation de la gestion de la crise Covid-19 et sur l'anticipation des risques pandémiques - Rapport d'étape
L’évaluation de la rapidité, de la pertinence et de la proportionnalité de la réponse du gouvernement français permet une analyse qualitative de la gestion de crise et de ses répercussions.
Du point de vue économique, la France présente une chute du PIB particulièrement forte et la perte de production semble liée pour l’essentiel à l’intensité des mesures de confinement. Toutefois, la gestion des conséquences économiques de la crise sanitaire apparaît satisfaisante. Grâce aux dispositifs d’activité partielle, l’emploi semble avoir correctement résisté face à l’ampleur du choc sur l’activité économique.
Du point de vue strictement sanitaire, il est important de souligner la forte mobilisation et la réactivité des acteurs du système de santé français, des citoyens et des administrations. Le système de protection sociale français a constitué un atout considérable dans la gestion de la crise. Le système hospitalier a témoigné d’une grande capacité d’adaptation mais il est important de se questionner sur le renouvellement de cette expérience sur le long terme : les conditions de travail des personnels de santé ne peuvent rester identiques à celles connues lors de la première vague.
Le rapport d’étape souligne des « défauts manifestes d’anticipation, de préparation et de gestion ». Au cours de la dernière décennie, le manque prévention des pandémies a engendré une moindre préparation et une moindre vigilance au risque de la part des autorités. La crise sanitaire a ainsi révélé des « faiblesses structurelles dans la gouvernance ». En effet, il est important de mettre en exergue le difficile déploiement du processus de gestion de crise, la complexité de l’organisation des relations entre le Ministère de la Santé et les ARS et la fragilité des administrations et agences en matière d’approvisionnement.
De plus, le contexte social fragilisé en France depuis plusieurs années a accéléré le développement de polémiques exacerbées par un manque de communication claire et un manque de pédagogie sur la pertinence des mesures mises en œuvre. La Mission attire ainsi l’attention des pouvoirs publics sur la nécessité de faire partager une claire conscience du contexte sanitaire à la population, de mieux asseoir la légitimité de leurs décisions ou encore de mieux organiser le partage d’information entre les ARS et les établissements de santé.
Sur cette question de la communication, la Mission est rejointe par le professeur de santé publique Franck Chauvin qui rappelle la nécessité d’associer les citoyens aux mesures prises pour lutter contre l’épidémie.
« (L’établissement de la balance coût-bénéfice du confinement) est une question que doit poser la société. Et la réponse ne peut être que collective. Les décisions à prendre pour faire face à l’épidémie sont extrêmement impactantes, et c’est pourquoi les citoyens doivent y être davantage associés. Il est vrai que l’arrivée de cette seconde vague aussi rapidement a probablement empêché ce type de discussion au sein de la société, mais cela reste une discussion nécessaire. » Franck Chauvin, professeur de santé publique.
III. Les dernières avancées scientifiques et médicales de la lutte contre le Covid-19
Avec 41,7 millions de personnes infectées et 1,14 million de morts, le Covid-19 est particulièrement infectieux ce qui complique les recherches scientifiques et médicales.
Après les résultats préliminaires de l’essai clinique Solidarity abordé la semaine dernière, c’est au tour de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de refuser la demande du Professeur Raoult de recommandation temporaire d’utilisation de l’hydroxychloroquine. L’ANSM affirme qu’à ce jour, « les données disponibles, très hétérogènes et inégales, ne permettent pas de présager d’un bénéfice de l’hydroxychloroquine, seule ou en association, pour le traitement ou la prévention de la maladie Covid-19 » [3]. L’agence évoque également « les recommandations thérapeutiques internationales traduisant un consensus scientifique » allant dans le même sens mais précise que « cette position pourrait être révisée », si on lui apportait de nouvelles études cliniques probantes.
Didier Raoult a vivement réagi à cette décision accusant l’ANSM de favoriser l’antiviral remdesivir au détriment de l’hydroxychloroquine. En effet, l’utilisation du remdesivir, lui aussi écarté par l’essai Solidarity, reste autorisé en Europe et aux États-Unis. L’Agence américaine des médicaments (FDA) a accordé une autorisation permanente de l’antiviral pour les malades hospitalisés du Covid bien qu’il n’est pas été prouvé qu’il réduisait la mortalité.
La recherche d’un traitement efficace reste donc au cœur des préoccupations scientifiques tout comme la course au vaccin qui connait de nouveaux obstacles. En effet, bien que la société allemande BioNTech annonce que son vaccin développé en collaboration avec le géant américain Pfizer pourrait être disponible dès le début de l’année 2021, les sociétés concurrentes connaissent des nombreux contretemps. La société pharmaceutique américaine Johnson & Johnson a suspendu ses essais cliniques le temps d'évaluer d'éventuels effets secondaires chez des participants. Cet arrêt des essais cause un retard malvenu dans la lutte contre la pandémie. Dix vaccins expérimentaux sont en dernière phase d'essais cliniques dans le monde, la course entre les grands laboratoires pharmaceutiques chinois, américains et européens, lancée au printemps, est entrée cet été dans la dernière ligne droite, et la mobilisation de la communauté scientifique semble être la seule réponse à la menace sanitaire. La diversité des approches envisagées par les 48 essais cliniques réalisés sur l’homme [4] augmente les chances de succès dans la recherche d’un vaccin efficaces pour prévenir les formes graves du Covid-19.
[1] Santé publique France, « COVID-19 - Point épidémiologique hebdomadaire du 22 octobre 2020 », (en ligne). Disponible sur : https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/bulletin-national/covid-19-point-epidemiologique-du-22-octobre-2020
[2] Rapport Public, D.Pittet, L.Boone, A-M.Moulin, R.Briet, P.Parneix, « Mission indépendante nationale sur l'évaluation de la gestion de la crise Covid-19 et sur l'anticipation des risques pandémiques - Rapport d'étape », le 13 octobre 2020, (en ligne). Disponible sur : https://www.vie-publique.fr/rapport/276679-gestion-de-crise-la-covid-19-et-anticipation-des-risques-pandemiques
[3] ANSM.sante, « L’ANSM publie sa décision sur la demande d’une RTU pour l’hydroxychloroquine dans la prise en charge de la maladie Covid-19 », Point d’information, le 23 octobre 2020, (en ligne). Disponible sur : https://ansm.sante.fr/S-informer/Actualite/L-ANSM-publie-sa-decision-sur-la-demande-d-une-RTU-pour-l-hydroxychloroquine-dans-la-prise-en-charge-de-la-maladie-Covid-19-Point-d-Information
[4] Pour aller plus loin : The New York Times, “Coronavirus Vaccine Tracker”, Updated October 23, 2020, (en ligne). Disponible sur : https://www.nytimes.com/interactive/2020/science/coronavirus-vaccine-tracker.html
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