top of page
institutcrises

Veille hebdo Covid – Étude des premiers effets des mesures restrictives : une vague d’espoir ?

Dernière mise à jour : 18 nov. 2020

Directeur de publication : Thomas MESZAROS

Responsables pédagogiques : Fabien DESPINASSE, Jean-Luc LAUTIER & Antoine CRÉTIEN


I. Covid-19 dans le monde : flambée des nouveaux cas, reconfinement, restrictions


Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 52,7 millions de cas d’infection au Covid ont été officiellement rapportés dans le monde dont près d’1,3 millions de morts depuis le mois de décembre 2019. Globalement, le nombre de nouveaux cas a augmenté de 8% et la mortalité de 21%, par rapport à la semaine précédente. Les foyers majeurs de l’épidémie se situent actuellement dans les zones Europe et Amérique, à l’origine de respectivement 54% et 28% des cas rapportés au niveau mondial, pour la semaine 45, tout comme les décès auxquels ces 2 zones contribuent respectivement à hauteur de 47% et 32% sur les 7 derniers jours [1].

Aux États-Unis, la situation s’aggrave quelques jours après les élections présidentielles. Le nombre de malades hospitalisés est à son plus haut niveau et de nouvelles restrictions sont décrétées au niveau local, en l’absence de consignes du gouvernement fédéral de Donald Trump. Les hôpitaux de plusieurs régions se retrouvent aujourd’hui de nouveau sous tension avec près de 62 000 personnes malades du Covid-19 actuellement hospitalisées [2]. Les autorités locales tentent de faire face à l’épidémie : les gouverneurs des État de New York et de Californie, ont annoncé un ensemble de nouvelles restrictions telles que la fermeture des bars, restaurants et salles de sport à partir de 22 heures.


La première vague de la pandémie de Covid a révélé les faiblesses de l’Union européenne en matière de santé. Les Etats membres s’efforcent donc de faire face à la deuxième vague tout en réinventant les moyens en matière de santé du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et de l’Agence européenne des médicaments [3]. De plus, Bruxelles a dévoilé un projet d’« Union de la Santé » pour donner à l’UE les moyens d’affronter les futures crises sanitaires, notamment en créant une nouvelle agence aux pouvoirs étendus. Cette nouvelle institution européenne, la Health Emergency Response Authority, fera l’objet d’un projet formel l’an prochain, pour être déployée en 2023.


« Nous vivons dans un monde où les maladies infectieuses peuvent émerger à tout instant, nous devons être prêts pour la prochaine pandémie. (…) Face aux urgences sanitaires, nous devons rapidement déployer les réponses les plus avancées, médicales ou autres, nous devons connaître les innovations biomédicales pertinentes, nous devons avoir les capacités de développer et stocker les composants essentiels », Stella Kyriakides, commissaire européenne à la santé.


La santé est et restera une compétence nationale des Etats membres de l’UE mais la Commission européenne cherche désormais « à installer un cadre dans lequel les Etats membres pourront s’inscrire et à apporter son aide, à ceux qui en auraient besoin ». Dans ce cadre, la coopération et la coordination des Etats membres seront essentielles et l’expérience de la pandémie n’est pas très encourageante.

Cette semaine, ont été étudié, dans certains pays d’Europe, les premiers effets encourageants du confinement. Plusieurs pays européens ont adopté de nouvelles mesures de confinement afin de limiter les effets de l’épidémie et d’alléger la charge pesant sur leur système hospitalier. Ces mesures ont majoritairement entraîné une baisse des courbes de contamination et ralenti la transmission du virus. En Irlande, premier pays à avoir décidé d’un reconfinement, les signaux sont encourageants : la baisse du taux de reproduction du virus et la baisse de l’incidence dans la population traduit un recul certain de l’épidémie. A Madrid, le nombre de patients hospitalisés régresse de manière continue mais la situation dans d’autres régions non confinées est bien moins favorable.

En Allemagne, en Belgique et en France, on observe une légère chute des indicateurs, mais il est encore trop tôt pour évaluer les effets des reconfinements, décidés il y a une quinzaine jours.


II. La France entre crise sanitaire et crise politique


Cette semaine en France nous pouvons observer un ralentissement de la circulation du Covid, cependant, l’ensemble des indicateurs se maintiennent à un niveau très élevé [4]. La situation sanitaire reste donc alarmante et le gouvernement a opté jeudi 12 novembre pour le maintien des mesures en vigueur depuis le 28 octobre. Le premier ministre a ainsi balayé toute possibilité d’assouplissement du confinement dans les jours à venir jugeant que « lever ou même alléger le dispositif » serait irresponsable tout en soulignant les premiers effets de ce dispositif « cohérents ».

En France métropolitaine, la décision du deuxième confinement semble avoir mis en exergue l’existence d’une crise organisationnelle et politique latente en parallèle de la crise sanitaire. Le 3 novembre, alors que les députés de la majorité n’étaient pas assez nombreux à l’Assemblée, l’opposition a temporairement voté un amendement prolongeant dans un premier temps l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 14 décembre alors que la prorogation était prévue jusqu’au 16 février. Depuis, une nouvelle lecture de l’amendement a eu lieu et les députés ont rétabli au 16 février 2021 l’échéance de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire mais des députés d’opposition avaient saisi le Conseil constitutionnel considérant que la prolongation était « manifestement disproportionnée en ce qu’elle porte une atteinte indéniable aux libertés fondamentales constitutionnellement garanties sans pour autant constituer une réponse adéquate susceptible de mettre fin à l’épidémie ». Vendredi 13 novembre, le Conseil constitutionnel a alors validé cette prolongation jugeant que le législateur avait prorogé l’état d’urgence sanitaire « sans méconnaître aucune exigence constitutionnelle ».


« Le législateur a estimé, au regard des données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire, que l'épidémie de covid-19 se répand à une vitesse élevée contribuant, compte tenu par ailleurs des capacités actuelles de prise en charge des patients par le système de santé, à un état de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population. Il a par ailleurs considéré, au regard de la dynamique de l'épidémie et de la période hivernale à venir, que cet état devrait perdurer au moins durant les quatre mois à venir. Cette appréciation est corroborée par les avis des 19 et 26 octobre 2020 du comité de scientifiques prévu par l'article L. 3131-19 du code de la santé publique. » Décision n° 2020-808 DC du Conseil constitutionnel du 13 novembre 2020.


Le 3 novembre, Olivier Véran s’était rendu à l’hémicycle et avait interrogé la responsabilité des parlementaires face à une situation hospitalière de plus en plus dégradée affirmant : « nous nous préparons à un choc très important dans les jours qui viennent. Nos soignants sont déjà sur le front et tous les Français doivent être à leurs côtés. Et cela commence bien évidemment par leurs représentants ». Déjà avant le vote le ministre avait présenté le texte comme un « texte de responsabilité » et non comme « un texte de conviction ». Il avait ainsi évoqué une « période longue et difficile » pour qualifier l’état d’urgence sanitaire. Mais malgré ces déclarations, le groupe Les Républicains a opposé une motion de rejet préalable, contre un « état d’exception qui banalise les atteintes aux libertés ». Le régime de l’état d’urgence sanitaire a été critiqué dès sa mise en œuvre en mars dernier.

L’état d’urgence sanitaire, en tant que régime juridique spécial inédit promulgué le 23 mars 2020, vise à répondre à la crise sanitaire. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle décidée en conseil des ministres et prorogée au-delà d’un mois par une loi sur avis du Conseil scientifique [5].

De plus, ce régime, d’abord pensé comme un dispositif de circonstances, a finalement été codifié. Proposée par le Conseil d’État dans son avis du 18 mars 2020, une telle codification assure la pérennité de ce régime d’exception. Selon l’article L3131-15 du Code de la santé publique, dès lors que l’état d’urgence sanitaire est déclaré, des restrictions variées peuvent être prises pour préserver la santé publique : réglementer ou interdire la circulation, interdire les personnes à sortir de leur domicile, réglementer et fermer provisoirement les établissements recevant du public, limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique, contrôler temporairement le prix de produits nécessaires…

Toutefois, ces mesures doivent rester strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu.


III. Vers la fin de la course au vaccin, une vague d’espoir dans la communauté scientifique ?


Les dernières annonces concernant les essais cliniques des candidats vaccins en tête de la course ont suscité un immense espoir. À ce jour, une dizaine de vaccins sont au stade le plus avancé de la recherche : la phase 3 où leur efficacité est mesurée à grande échelle sur des dizaines de milliers de volontaires. John Bell, professeur de médecine à l'université d'Oxford et membre du comité scientifique conseillant le gouvernement britannique durant la crise sanitaire affirme même qu’il ne serait pas surpris « si nous arrivions à la nouvelle année avec deux ou trois vaccins qui pourraient être tous distribués ». Selon lui, il y 70 à 80% de chance de voir deux ou trois vaccins sortir du lot d'ici début 2021 et être administrés à la population avec l’espoir que la situation sanitaire mondiale au printemps prochain soit presque revenue à la normale.

Sur cette lancée, le PDG de Pfizer, Albert Bourla, a annoncé que les premiers résultats de la phase 3 des études cliniques de son vaccin, élaboré avec la compagnie allemande BioNTech ont démontré une efficacité supérieure à 90 % pour prévenir la Covid-19, sept jours après une seconde injection [6]. Ce communiqué de presse indique que la protection est atteinte 28 jours après la première immunisation et nécessite un seul rappel.


« Cette première analyse intermédiaire de la phase 3 de notre étude fournit une évidence, le vaccin peut effectivement prévenir la Covid-19. C'est une victoire pour l'innovation, la science et un effort collaboratif mondial », Directeur de BioNTech.


Le vaccin a été testé sur un panel varié de plus de 40 000 personnes et aucune toxicité grave n'a été observée à ce jour. Les prochains tests auront pour objectif de déterminer si ce vaccin peut protéger s'il est injecté après l'infection et s'il peut prévenir les formes les plus graves de la maladie. Sur la base de projections, Pfizer et BioNTech ont déclaré qu'elles prévoyaient de fournir jusqu'à 50 millions de doses de vaccins dans le monde en 2020 et jusqu'à 1,3 milliard de doses en 2021.

Toutefois, ces affirmations ne sont pas accompagnées d'une publication scientifique des résultats de l’essai clinique. De plus, le communiqué de presse ne détaille pas la nature, la durée et les variations de la réponse immunitaire induite par le candidat vaccin en fonction du profil des participants de l'essai clinique. Il convient de faire un point sur la technologie utilisée par ce candidat vaccin.

Les vaccins sont des produits pharmaceutiques qui ont pour but de stimuler le système immunitaire pour qu'il cible spécifiquement et élimine un pathogène mais les moyens de parvenir à ce but son divers. Le candidat vaccin de Pfizer est un vaccin à ARN messager (ARNm) tout comme les candidats-vaccin développés par Moderna et Sanofi. Il s’agit d’une technologie dont les bases ont été posées dans les années 1990 et qui fait encore l'objet de nombreuses recherches. En effet, pour le moment, aucun vaccin à ARNm n'est commercialisé pour un usage en santé humaine mais plusieurs sont en essai clinique. En santé animale, ils sont déjà utilisés chez les porcs notamment.

Les études sur les vaccins à ARNm affirment qu'ils possèdent des avantages non négligeables. Leur production à grande échelle et à faible coût ne pose pas de problème avec la technologie actuelle. Chaque dose vaccinale est extrêmement pure et ne contient que l'ARN d'intérêt et rien d'autre, ils sont donc sûrs. De plus, l'avantage ce cette méthode est qu’il est inutile de cultiver un pathogène en laboratoire, l'organisme fait seul le travail. C'est pour cette raison que ces vaccins sont plus rapides à mettre au point. Il semble donc que les vaccins à ARNm soient porteurs de beaucoup d'espoirs pour soigner des maladies infectieuses pour lesquelles il n'existe encore aucun vaccin comme le cancer.

Mais du fait de sa nouveauté dans le monde scientifique, cette technologie présente des inconvénients surtout liés à un manque de recul scientifique sur son utilisation. De plus, Pfizer a annoncé que son vaccin devra être conservé à -80°C, ce qui pose d'évidents problèmes de logistique. Il sera alors impossible d'acheter son vaccin en avance et de le stocker au réfrigérateur avant la vaccination. On peut imaginer que les personnes devront se rendre dans des centres de vaccination spécialisés capables de stocker dans l'azote liquide des grandes quantités d'unités vaccinales, et de réaliser l'injection dans un laps de temps assez restreint [7].


A ce jour, aucun vaccin n'a encore reçu d'approbation officielle pour une distribution commerciale à grande échelle. Toutefois, les autorités chinoises ont donné leur feu vert à une utilisation d'urgence pour certains de ces vaccins et en Russie, une grande partie de l'élite politique a dit s'être fait vacciner par le vaccin Spoutnik V [8], que le gouvernement espère déployer massivement dans les prochains mois. Le ministre russe de la Santé, Mikhail Murasko a d’ailleurs déclaré que : « l'utilisation du vaccin et les résultats des essais cliniques démontrent qu'il s'agit d'une solution efficace pour arrêter la propagation de l'infection à coronavirus, un outil de soins de santé préventif, et c'est la voie la plus fructueuse pour vaincre la pandémie. » Dans l'annonce du Centre Gamaleya, il est indiqué que le vaccin Spoutnik V est efficace à 92 % pour prévenir la Covid-19 mais tout comme Pfizer, ces annonces ne sont pas accompagnées d’une publication scientifique et ces informations doivent donc être prises avec précaution.

 

[2] The COVID racking Project (en ligne). Disponible sur : https://covidtracking.com

[3] Ces deux agences sont respectivement en charge de la surveillance des maladies émergentes et menaces sanitaires et de la surveillance des risques de pénuries de médicaments ou dispositifs médicaux et de faciliter les procédures d’approbation de potentiels traitements cruciaux.

[4] Santé publique France, « COVID-19 : point épidémiologique du 12 novembre 2020 », op.cit.

[5] Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (1) (en ligne). Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041746313/

[6] Pfizer, « PFIZER AND BIONTECH ANNOUNCE VACCINE CANDIDATE AGAINST COVID-19 ACHIEVED SUCCESS IN FIRST INTERIM ANALYSIS FROM PHASE 3 STUDY » le 9 novembre 2020, (en ligne). Disponible sur : https://www.pfizer.com/news/press-release/press-release-detail/pfizer-and-biontech-announce-vaccine-candidate-against#.X6k0pCBkGE8.twitter

[7] PubMed.gov, « RNA-based vaccines », 22 juin 2012, (en ligne). Disponible sur : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22546329/

[8] Sputnikvaccine, « THE FIRST INTERIM DATA ANALYSIS OF THE SPUTNIK V VACCINE AGAINST COVID-19 PHASE III CLINICAL TRIALS IN THE RUSSIAN FEDERATION DEMONSTRATED 92% EFFICACY », novembre 2020; (en ligne). Disponible sur : https://sputnikvaccine.com/newsroom/pressreleases/the-first-interim-data-analysis-of-the-sputnik-v-vaccine-against-covid-19-phase-iii-clinical-trials-/

28 vues0 commentaire

Comments


bottom of page