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Veille secteur public n°4 : décryptage de l'actualité nationale et internationale

Dernière mise à jour : 30 oct. 2020

Responsable pédagogique : Fabien DESPINASSE



La période de canicule laisse chaque année place à d’importants feux de forêt sur le territoire national, demandant toujours plus de coordination territoriale de la part des autorités pour y mettre fin rapidement (I). La défense et la sécurité sont encore une fois plus que jamais d’actualité dans un contexte national et mondial de crise du Covid-19. L’adaptation de la sécurité du pays pour répondre aux nouvelles formes de terrorisme est nécessaire pour mieux s’y préparer (II).

En Biélorussie, de violentes répressions ont lieu depuis le 9 août, date à laquelle le président Alexandre Loukachenko a brigué un sixième mandat dans un scrutin entaché d'irrégularités massives. Il est décrié par la population qui dénonce des fraudes et réclame le départ de celui qu'elle considère comme un autocrate (III). Des crises éclipsées par le Covid-19, telle la crise des migrants dans la Manche et l’escalade des tensions entre la Grèce et la Turquie, sont ravivées par la poursuite des recherches d'hydrocarbures par cette dernière, et des sanctions prises à son encontre au niveau européen (IV).


I. Renforcement des dispositifs de secours pour lutter contre les feux de forêts



En période estivale, le risque d’incendie augmente pour les 17 millions d’hectares de la forêt française. Le climat chaud et sec des régions méditerranéenne, corse et landaise en font des zones plus sujettes aux feux. Avec le réchauffement climatique, se sont maintenant des régions auparavant peu touchées par les incendies qui en subissent aussi les conséquences (comme en Bretagne et en Seine et Marne). Au niveau national et sur la dernière décennie, il est dénombré en moyenne, chaque année, un peu moins de 4 000 feux de forêt pour une superficie de 10 000[1] hectares environ. Depuis le début de l’été 2020, déjà 743[2] feux de forêt se sont déclarés en zone méditerranéenne seulement. On parle ici d'incendie de forêt lorsque le feu couvre une surface minimale de 0,5 hectare d'un seul tenant et qu'une partie au moins des étages arbustifs et/ou arborés est détruite.

Si les incendies ont un impact majeur sur les espaces naturels, détruisant tout ou partie de la faune et de la flore sur son passage, ils peuvent aussi causer des pertes humaines. Toutefois le système français de prévention et de lutte contre les incendies a montré son efficacité puisque la France n’a pas subis de victimes en 2017[3]. L’année 2020 ne déplore pas de morts non plus pour l’instant.

Ces feux ont également d’autres conséquences, d’ordre économique (impact sur les activités économiques et touristiques) ; environnemental (atteinte à la biodiversité et aux paysages) ; de prévention d’autres risques (chute de pierres, glissements de terrain, érosion, crues torrentielles) ; et de protection générale (régulation du régime hydrique, qualité de l’eau, épuration de l’air, stockage du carbone etc.).

L’implication et la coordination des différents acteurs publics requièrent plusieurs niveaux de gestion de crise, et mobilise tant les sapeurs-pompiers, le personnel de la sécurité civile que les gendarmes.

Au niveau national, cette coordination est dirigée par la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion de Crise (DGSCGC). Ensuite, le territoire est découpé en sept zones de défense, sous l’autorité d’un préfet de zone. Celui prend appui sur l'Etat-major interministériel de zone pour la coordination interdépartementale de la lutte anti-incendie.

Au niveau de chaque département, le centre opérationnel départemental permet une coordination interministérielle sous l'autorité du préfet qui est directeur des opérations de secours (DOS). Il est épaulé par un Commandant des Opérations Secours (COS), qui est directeur départemental des services d'incendie et de secours, donc un sapeur-pompier.

Le rôle des cellules de crise (CTA-CODIS, poste de commandement,) des Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) est lui proactif et efficient, chacun occupant un poste et un rôle bien défini (comme ici en Seine et Marne[4]). Cette cellule de commandement, composée des missions d'anticipation, de renseignement, de logistique etc., transmet ensuite les informations et les ordres à la cellule opérationnelle, qui dirige les colonnes sur le terrain. Ces différents échelons permettent, en fonction de l’ampleur de l’événement, d’adapter les moyens de secours et de renforts. Ces services font de plus en plus appel aux réservistes[5], surtout pendant les vacances pour augmenter leurs effectifs.

Les partenariats privé-public permettent aussi une meilleure coordination des moyens (le SDIS 77 a par exemple signé une convention avec la société SAF pour faire intervenir un hélicoptère bombardier d'eau[6]). Le vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, Hugues Deregnaucourt, constate cependant une intensification du phénomène incendie sur le territoire national, augmentant le nombre d’opérations.

La préfecture et le SDIS se coordonnent avec la commune qui, si elle est concernée, active son plan communal de sauvegarde et son poste communal de commandement pour mettre en œuvre les moyens municipaux.

La réserve communale de sécurité civile (RCSC)[7] permet grâce à l'engagement de citoyens d'aider les agents municipaux en cas de catastrophes naturelles ou d'accidents industriels.

En effet, l’activité humaine est la principale cause de déclenchement d’incendies (90% des départs de feu) que ce soit du fait d’une activité économique (chantiers de BTP, activités agricoles...) ou bien d’une activité du quotidien (mégots de cigarettes, barbecues ou feux de camps)[8]. La moitié de ces feux d’origine anthropique sont dus à des imprudences et à des comportements dangereux, aussi bien de touristes que de riverains. Le Ministère estime que plus de 50% des départs de feux pourraient être évités en appliquant les bons gestes au quotidien.

Si les acteurs locaux mènent des actions de prévention récurrentes, certains comportements méritent encore d’être diffusés. C’est pourquoi, le Ministère de la Transition écologique et Solidaire, en lien avec le Ministère de l’Intérieur, le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, l’Organisation Nationale des Forêts et Météo France renouvelle début juin 2020, une campagne nationale[9] de sensibilisation et de prévention des feux de végétation et de forêt.

Les préfectures jouent elles aussi un rôle primordial dans la coordination des pouvoirs publics, et disposent de plusieurs outils pour déployer les mesures envisagées. Le dossier départemental des risques majeurs (DDRM), établi sous l’autorité du préfet, recense à l’échelle d’un département l’ensemble des risques majeurs par commune. Il explique les phénomènes et présente les mesures de sauvegarde, les consignes de sécurité et les actions préventives.

Un rapport d’information présenté à l’Assemblée Nationale en 2019[10] concernant l’état alarmant de la sécurité civile et notamment des sapeurs pompiers, préconise un budget de 519,5 millions d’euros pour l’année 2020 pour leur permettre de mener à bien leurs missions. Ce rapport souhaite en priorité accorder plus de moyens d’actions aux SDIS, ainsi qu’une meilleure concertation entre ces derniers, les SAMU, et les ARS. A cette fin, la prévention en direction du grand public a été largement développée, le système d'alerte et de veille sanitaire a été renforcé, ainsi que la coordination des acteurs au niveau local ont permis une amélioration des dispositifs, et un évitement des dégâts sur le territoire.

Depuis de nombreuses années, le Ministère des Armées mène l’opération Héphaïstos[11] pour lutter contre les feux en déployant dans les zones à risques des militaires, des hélicoptères et des véhicules spécialisés. L’utilisation des drones au cours de ces opérations se démocratise, ils peuvent en effet faciliter la localisation des différents fronts de feu ou offrir une vision d’ensemble d’une situation. Cependant, les risques devraient avoir tendance à s’accroître et à durer toute l’année avec le réchauffement climatique, certaines simulations montrent que l’augmentation des feux pourrait atteindre jusqu’à 75 % d’ici 2060[12].



II. La question du bioterrorisme dans le contexte de crise sanitaire



Si la crise du Covid-19 nous amène à repenser les nouvelles sphères de la défense et sécurité[13], une étude tirée du document réalisé par le Policy Center for the New South[14] (think tank marocain qui contribue à l’amélioration des politiques publiques au Maroc et en Afrique) vient alerter sur la nécessaire prise en compte de la dualité scientifique et militaire dans la gestion des risques sanitaires.

La notion de risque est abordée dans un premier temps, le rapport préconisant de la réévaluer. Le risque ne devrait plus être mesuré uniquement par sa probabilité, mais par ses conséquences: plus un risque a un potentiel d’impact élevé et plus il doit s’inscrire sur le tableau de bord des autorités. L’anticipation, notamment via l’attribution d’un budget dédié, pourrait éviter des écueils comme dans le contexte économique du Covid-19.

Si nous évoquions précédemment l’importance des relations civilo-militaires dans la gestion de crise, la capacité d’intégrer la veille et le renseignement dans la gestion des risques épidémiques et ceux relevant du NRBC (nucléaire, radioactif, bactériologique et chimique) apparaît comme aussi nécessaire.

Il ne s’agit pas ici de céder aux théories du complot, mais d’évoquer les risques de bioterrorisme dans un contexte de crise sanitaire inédit. Le bioterrorisme est en effet qualifié comme « l’emploi illégal ou menace d’emploi illégal d’armes ou d’agents biologiques contre les personnes, animaux, plantes ou matériels, afin de contraindre ou d’intimider les gouvernements ou les sociétés dans le but d’atteindre des objectifs politiques, religieux ou idéologiques »[15]. Cette définition de l’article 421-2 du code pénal, permet de mettre évidence que la propagation volontaire dans l’air du Covid-19 pourrait s’apparenter à un acte de bioterrorisme, déjà prévu par la loi française[16].

Le renforcement des réponses pénales pour les auteurs de bioterrorisme pourrait se généraliser. Si le Covid-19 n’entraîne pas le décès systématique des personnes contaminées, il a en revanche lourdement déstabilisé les économies nationales et instillé la peur chez les populations. En cela, la qualification d’acte de terrorisme peut aussi être envisagée.

La dissémination de nouvelles technologies permet aussi à des groupes terroristes ayant les capacités techniques de se doter de moyens avancés. La recherche biotechnologique peut notamment servir à la fabrication d'armes biologiques, afin de cibler certains systèmes biologiques humains et nuire, par exemple, à un groupe particulier[17].

Des spécialistes soulignent en 2004 que « l’utilisation d’agents infectieux comme arme biologique a jalonné l’histoire des conflits internationaux et des actes terroristes isolés »17. Néanmoins, aucune attaque bio terroriste au sens de l’article 421-2 du code pénal n’a pour le moment été officiellement recensée en France.

La gestion du risque épidémique exige donc une meilleure synergie entre, d’une part, les services du renseignement militaire et civil, et, d’autre part, des secteurs public et privé de la santé. Le renforcement de la coordination et de la transversalité entre les différents services de l’Etat est primordial pour la libre circulation des informations et communication. En effet, ce sont deux problèmes récurrents reprochés à l’Etat.

En ce sens, début 2020, Fab’entech, une société biopharmaceutique lyonnaise et spécialisée dans l’immunothérapie pour situations d’urgence, boucle une nouvelle levée de fonds d’un montant de 8,5 millions d’euros menée par le fonds du ministère des Armées géré par Bpifrance[18], développé avec le soutien de la Direction Générale de l’Armement (DGA). Florence Parly avait alors déclaré « en choisissant de soutenir Fab’entech, nous nous employons pleinement au soutien d’une PME dont le savoir-faire unique s’inscrit dans notre exigence de souveraineté nationale en matière de lutte contre les risques liés au bioterrorisme. »

Le risque de pandémie avait déjà été identifié dans la revue stratégique de défense et sécurité nationale de 2008, mais était loin d’avoir prévu une préparation efficace[19]. La revue de 2017[20] évoque, elle, de nouvelles formes de guerre et de conflictualité au travers du prisme des risques sanitaires. « L’accroissement de la mobilité de la population favorise l’extension des aires de diffusion de certaines maladies, ainsi que la propagation rapide et à grande échelle de virus à l’origine d’épidémies diverses (syndrome respiratoire aigu sévère – SRAS). » (point 69, p.32).

De plus, « le risque d’émergence d’un nouveau virus franchissant la barrière des espèces ou échappant à un laboratoire de confinement est réel. (…) la diffusion des biotechnologies pourrait permettre à des groupes terroristes de conduire des attaques biologiques sophistiquées. » (point 70, p.32).

Avec la crise sanitaire du Covid-19, le risque épidémique fait partie désormais de la chaîne des priorités au même titre que les risques nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique.

III. Protestations en Biélorussie face à l’élection présidentielle



En Biélorussie, la victoire d’Alexandre Loukachenko à la présidentielle du 9 août (dirigeant autoritaire au pouvoir depuis 1994, qui brigue un sixième mandat), a déclenché des manifestations quotidiennes, réprimées brutalement par les forces de l’ordre. Les mouvements de contestation ont coûté la vie d'au moins deux participants, faisant des centaines de blessés et des milliers d’arrestations (environ 6000 au 12 août selon les forces de sécurité). Certains détenus ont été relâchés depuis. L’élection a été perçue comme largement truquée, alors que la mobilisation en faveur de Svetlana Tikhanovskaïa, encore inconnue du grand public il y a quelques mois, a enflammé la Biélorussie avant le vote, à l’issue duquel elle a officiellement recueilli 10 % des voix, contre 80 % pour le chef de l’Etat sortant. L’opposante est désormais en exil en Lituanie, et a annoncé la création d’un comité[21] pour organiser le transfert du pouvoir.

Sous pression, le président biélorusse a affirmé samedi 15 août que son homologue Vladimir Poutine lui avait assuré, lors d’un entretien téléphonique, son « une aide complète (…) pour assurer la sécurité de la Biélorussie » si celle-ci venait à lui en faire la demande. Dimanche, le Kremlin s’est dit prêt à fournir une assistance militaire, si nécessaire, dans le cadre du traité d’Union liant les deux pays, et de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTCS) composée de six anciennes républiques soviétiques. Cependant, V. Poutine semble vouloir éviter une intervention militaire, au risque qu’elle transforme l’opposition en opposition russe. Le président russe ne souhaite pas non plus donner une opportunité de menacer les élections régionales de septembre.

La Russie est un allié historique malgré les tensions récurrentes entre les deux pays[22]. Économiquement, la Biélorussie dépend étroitement de la Russie pour ses approvisionnements en gaz et en pétrole. Néanmoins le pays se retrouve dans un jeu ambivalent du président, qui refuse de reconnaître l’annexion de la Crimée, ayant peur de se faire annexer à son tour par la Russie. Vladimir Poutine se fait discret pour l’instant, car ces manifestations pourraient signer la fin du régime du président biélorusse. « Poutine ne peut pas reconnaître la perte de la Biélorussie. Mais il ne peut pas y envoyer ses troupes. Ce n'est pas la Crimée. Les Russes seraient vus en occupants », explique Andreï Kolesnikov, du centre Carnegie.[23]

Pour accroître une interdépendance plus étroite qu’actuellement avec la Biélorussie, censée assurer à la Russie une situation stratégique, le président Poutine pourrait préparer la transition gouvernementale en positionnant des personnes sous son influence. Cette prise de position devra se faire stratégiquement, si la Russie ne veut pas se mettre plus à dos la communauté internationale, sous tension depuis la crise ukrainienne.

Selon le président biélorusse, son pays fait face à une « révolution de couleur » (le nom donné par le Kremlin à plusieurs mouvements populaires, selon lui, soutenus depuis l’étranger qui ont abouti à des changements de pouvoir dans des pays de l’ex-URSS ces vingt dernières années), avec des « éléments d’interférence extérieure. » Au cours d’une réunion gouvernementale, il a accusé la Pologne, les Pays-Bas et l’Ukraine d’être à l’origine des manifestations, ainsi que l’opposant russe Alexeï Navalny et l’organisation de l’ex-oligarque en exil Mikhaïl Khodorkovski.

La présidente de la commission européenne, Ursula Von Der Leyen, a réclamé la semaine dernière des sanctions contre ceux qui « violent les valeurs démocratiques et les droits humains ». Le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Clément Beaune, a assuré le « plein engagement de la France sur le principe de sanctions individuelles ciblées et le soutien aux droits et aux libertés du peuple biélorusse[24] ».

Une liste de personnes accusées d’avoir organisé et procédé aux répressions va être établie et elle sera soumise pour approbation aux Etats membres, cette décision n’étant pas du ressort des ministres. Un sommet extraordinaire des 27 dirigeants de l’UE a eu lieu mercredi sur la situation, où ils déclarées ne pas reconnaître les résultats de l’élection. La Biélorussie est toujours sous le coup d’un embargo sur les ventes d’armes et de matériel pouvant être utilisé pour la répression. Quatre personnes sont déjà interdites de séjour dans l’UE et leurs avoirs ont été gelés depuis 2016[25].

Le président Loukachenko se retrouve de plus en plus isolé, rejetant la possibilité d’une médiation étrangère, proposée notamment par la Pologne et deux pays baltes. Mercredi dernier, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne avaient proposé un plan de médiation prévoyant la création d’un “conseil national” pour régler la crise politique en cours dans le pays. L’élection a été marquée par l'évolution des formes de contestation dans cette crise, qui s’est généralisée depuis jours maintenant. Des rassemblements ont commencé dans la rue, qui se sont transformés en heurts avec les forces de l’ordre. Le mouvement touche aujourd’hui l’économie, un appel à la grève générale, lancé mardi, est progressivement suivi dans de nombreux secteurs de l'industrie, telle dans l'entreprise de fabrication de véhicules Belaz (joyau industriel du pays).


IV. Des crises internationales qui s’amplifient dans certaines régions



1. La gestion de la crise des migrants dans la Manche : entre coopération et tensions



Depuis le début de l’été, les bateaux d’immigrés clandestins tentant la traversée de la Manche pour se rendre au Royaume-Uni se multiplient. Soixante-cinq migrants sur quatre embarcations ont été secourus dans les eaux britanniques dimanche 9 août ; 151 autres sur quinze bateaux la veille ; 146 et 235 migrants, encore, les deux jours précédents. Le flux des migrants qui traverse la Manche s'est intensifié : depuis le début de l'année, 4.192 personnes ont tenté de traverser ou traversé la Manche, contre 2.294 sur l'ensemble de l'année 2019. Selon le ministère français de l'Intérieur, cette forte augmentation s'explique par des conditions météorologiques clémentes et une mer calme.

En réponse à ces chiffres en augmentation, une "cellule franco-britannique de renseignement" dans la lutte contre les passeurs de migrants a été mise en place le mois dernier[26]. Le secrétaire d'Etat britannique à l'Immigration, Chris Philp, s'est rendu mardi à Paris pour demander aux autorités de renforcer leur dispositif contre l'immigration clandestine. La Ministre de l’Intérieur britannique demande elle aux autorités françaises de tout faire pour rendre la traversée de la Manche « impraticable », d’une part en empêchant les départs des bateaux, et d’autre part en acceptant le retour des migrants qui auraient atteint les eaux britanniques. Le Ministre de l’Intérieur français demande, pour sa part, une enveloppe de 33 millions d'euros au Royaume-Uni pour couvrir les frais. Les associations mettent de leur côté en garde contre des traversées encore plus dangereuses avec de telles dispositions.

Les accords de Dublin[27] (selon lesquels la demande d'asile est examinée par un seul pays européen) étant un texte européen, la question du texte qui gouvernera l’immigration dans cette zone après la période de transition se pose. Le premier ministre britannique, Boris Johnson s’est voulu rassurant, avec l’annonce[28] lundi 11 août de sa volonté de changer les lois d'asile pour décourager la venue de migrants. Du côté français, c’est la lutte contre les réseaux de passeurs clandestins qui se poursuit.



2. Escalade des tensions entre la Grèce et la Turquie en Méditerranée orientale



Comme nous l’avons évoqué récemment[29], l'incursion du navire de recherches sismiques turc Oruç-Reis dans les eaux territoriales grecques provoque, depuis plus d’une semaine, de très vives tensions diplomatiques entre Athènes et Ankara. Si la Turquie avait annoncée dans un second temps patienter et retirer ses bateaux, l’exploration des bateaux a repris depuis dimanche 16 août, créant une escalade du conflit[30]. Pour rappel, les tensions se sont renforcées ces derniers jours dans cette zone riche en hydrocarbures située dans la zone économique exclusive grecque (ZEE), Athènes accusant Ankara de mener des recherches énergétiques illégales dans ses eaux.

La Grèce sonne l'alerte tandis que son voisin appelle à l'apaisement mais ne dévie aucunement la trajectoire de son navire, qui est escorté d'une frégate militaire. Une collision sans gravité a d'ailleurs eu lieu mercredi dernier entre deux bâtiments grec et turc[31], ont indiqué vendredi 14 les autorités helléniques. Les ministres des affaires étrangères de l’Union Européenne (UE) se sont réunis le même jour, et ont décidé de prendre des sanctions à l’encontre de la Turquie. L’annonce de la Turquie de poursuivre ses actions "sape les efforts pour reprendre le dialogue et les négociations" et s'oppose à la désescalade qui est "la seule voie vers la stabilité et des solutions durables comme l'ont redit les ministres des Affaires étrangères vendredi" affirme Josep Borrell. Le chef de la diplomatie de l'UE exhorte Ankara à cesser "immédiatement" ses recherches de gisements en gaz, jugeant que les activités récentes de la Turquie augmentent "regrettablement les tensions et l'insécurité"[32].

La Turquie entretient quant à elle un double discours, envers la Grèce et les autres membres de l’OTAN. Aux Etats-Unis, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, et son homologue turc, Mevlüt Cavusoglu se sont entretenus et ont parlé du "besoin urgent de réduire les tensions en Méditerranée orientale", a indiqué le département d'Etat dans un communiqué. Les Etats-Unis en tant que membre de l’OTAN se dit inquiet mais ne prend pas parti. Lors d'un point presse après cette rencontre, Mevlüt Cavusoglu a affirmé qu'Ankara allait "continuer de défendre ses intérêts". Dans ce contexte de crispations, le président Recep Tayyip Erdogan s'est dit samedi prêt à dialoguer, tout en soulignant que son pays ne reculerait "pas devant les sanctions et menaces".

Le président E. Macron s’est entretenu de son côté avec le premier ministre hellénique Kyriakos Mitsotakis, pour assurer son plein soutien à son allié. Cette intervention de la part de la France aux côtés de la Grèce intervient également dans un contexte de tensions croissantes entre la Turquie et l’hexagone, liées notamment à des intérêts divergents en Libye et en Méditerranée orientale. Berlin et Rome se sont joints à Paris pour appeler, dans un communiqué, à la fin de toutes les ingérences étrangères en Libye, en allusion notamment à l'intervention militaire turque aux côtés du gouvernement GNA de Fayez el-Sarraj. Néanmoins, l'Allemagne se positionne jusqu’ici en tant que médiateur dans ce conflit, mettant sur le même plan la Grèce, la France d'un côté, et la Turquie de l'autre, alors que les deux premiers sont des Etats membres de l’UE. E. Macron et A. Merkel se sont rencontrés ce jeudi, pour tenter de se mettre d’accord sur une politique commune.

E. Macron dénonce les non réactions de l’OTAN et l’UE à l’encontre de la Turquie, Ankara prétendant régulièrement être prêt à relâcher en Grèce des réfugiés qu'il s'était engagé à héberger contre une aide financière conséquente, ou si ne sont pas relancées les négociations de son adhésion à l'Union. La dégradation de l’Etat de droit sous le régime Erdogan inquiète également l’UE.

Le ministère français des Armées a annoncé[33] le 13 août déployer temporairement deux chasseurs Rafale et deux bâtiments de la Marine nationale en Méditerranée orientale. Un porte-hélicoptères, en route pour porter assistance au Liban a, en outre, rejoint la frégate Lafayette, déjà dans la région et qui a effectué un exercice militaire aux côtés de la Grèce. Ce dernier bâtiment était déjà déployé dans la région dans le cadre de la présence permanente française en Méditerranée orientale pour lutter contre le groupe Etat islamique en Syrie. « Par des déploiements aériens dans la région et des exercices maritimes avec les Grecs, nous réaffirmons notre attachement à la liberté de navigation et au respect du droit international », a notamment souligné Florence Parly, la ministre des Armées, sur Twitter[34].

La situation gréco-turque se situe dans la phase de crise dite d’escalade. Celle-ci émerge avec le point de début de l’escalade (l’envoi du premier bateau turc près des côtes grecques), et s’achève avec le point où les tensions vont être le plus élevé de la crise (point paroxystique), avec ici le risque d’un affrontement naval entre les deux Etats.

Dans le cadre de cette crise incluant de plus en plus d’acteurs, un terrain d’entente entre les parties prenantes principales doit être trouvé, afin de maintenir la communication et conserver une manifestation de la violence de faible intensité. Les pays membres de l’UE, en coopération avec les Etats-Unis notamment pourraient servir de médiateurs pour amener à dialoguer la Grèce et la Turquie.



 

[1] Chiffres du Ministère de l’Agriculture https://agriculture.gouv.fr/prevenir-et-lutter-contre-les-incendies-de-foret [2] Bilan de la Banque de données Prométhée. Disponible en ligne sur : https://www.promethee.com/default/bilan-tableaux [3] Chiffres du Ministère de la Transition Ecologique https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/prevention-des-feux-foret [4] Article paru dans Le Parisien, publié le 10/08/2020. Disponible en ligne sur : https://www.leparisien.fr/seine-et-marne-77/seine-et-marne-comment-les-pompiers-luttent-contre-les-nombreux-feux-de-foret-10-08-2020-8366139.php [5] Veille du secteur public, publiée le 14/08/2020. Disponible en ligne sur: https://www.institut-crises.org/post/veille-gestion-de-crise-intelligence-%C3%A9conomique-et-strat%C3%A9gique-n-3 [6] Article paru dans Le Parisien, publié le 10/08/2020. Disponible en ligne sur : https://www.leparisien.fr/seine-et-marne-77/seine-et-marne-comment-les-pompiers-luttent-contre-les-nombreux-feux-de-foret-10-08-2020-8366139.php [7] Plaquette de présentation des RCSC par le Ministère de l’Intérieur. www.interieur.gouv.fr › content › download › file › plaquette_RCSC [8] Neuf départs de feux de forêt sur dix sont d’origine humaine, selon le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire. Disponible en ligne sur : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2020.06.19-DP_Feux_foret_campagne_2020_vf.pdf [9] Campagne de prévention du Ministère de la Transition Écologique. Disponible en ligne sur : https://agriculture.gouv.fr/campagne-nationale-de-prevention-et-de-sensibilisation-contre-les-incendies-de-foret [10] Rapport de l’Assemblée Nationale, publié le 10/10/2019. Disponible en ligne sur: http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b2306-tix_rapport-avis [11] Détails de l’opération Héphaïstos. Ministère des Armées, mise à jour le 10/06/2020. Disponible en ligne sur: https://www.defense.gouv.fr/operations/france/hephaistos/lancement-de-l-operation-hephaistos-de-lutte-contre-les-feux-de-foret [12] Rapport de la mission interministérielle Changement climatique et extension des zones sensibles aux feux de forêts, publié le 01/07/2010. Disponible en ligne sur : https://www.vie-publique.fr/rapport/31347-changement-climatique-et-extension-des-zones-sensibles-aux-feux-de-foret [13] https://leconomiste.com/article/1065866-defense-nationale-et-nouvelle-securite [14] Publication « Les Complexes régionaux de Sécurité comme cadre de lutte contre les pandémies », par Abdelhak Bassou , Hajar El Alaoui, publiée le 13/08/2020. Disponible en ligne sur : https://www.policycenter.ma/publications/les-complexes-r%C3%A9gionaux-de-s%C3%A9curit%C3%A9-comme-cadre-de-lutte-contre-les-pand%C3%A9mies [15] Définition du Ministère des Armées, dans le cadre de la Loi de programmation militaire. Disponible en ligne sur : https://www.defense.gouv.fr/espanol/portal-de-la-defensa/desafios/la-lpm-2019-2025/le-lexique/la-loi-de-programmation-militaire-de-a-a-z [16] T.S. Renoux, Juger le terrorisme, Cah. Cons. const. 2003. 5 [17] Article de L'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), publié le 11/06/2004. Disponible en ligne sur: https://cordis.europa.eu/article/id/22163-biotechnology-can-be-used-for-terrorism-warns-european-think-tank/fr [18] Actualités du Ministère des Armées, publié le 10/02/2020. Disponible en ligne sur : https://www.defense.gouv.fr/dga/actualite/fab-entech-societe-soutenue-par-la-dga-leve-8-5-millions-d-euros [19] Entretien d’Arnaud DANJEAN (Député européen Les Républicains) auprès du journal Le Figaro, publié le 17/04/2020. Disponible en ligne sur : https://www.lefigaro.fr/vox/politique/arnaud-danjean-le-livre-blanc-de-2008-sur-la-defense-et-la-securite-avait-identifie-le-risque-de-pandemie-20200417 [20] Revue stratégique de défense et de sécurité nationale 2017. Disponible en ligne sur : https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/2017-rs-def1018_cle0b6ef5-1.pdf [21] Article paru dans le journal Le Monde, publié le 11/08/2020. Disponible en ligne sur : https://www.lemonde.fr/international/article/2020/08/11/presidentielle-en-bielorussie-nouvelle-soiree-de-manifestations-malgre-le-depart-de-l-opposante-svetlana-tikhanovskaia_6048716_3210.html [22] Article paru sur LCI. Publié le 18/08/2020. Disponible en ligne sur : https://www.lci.fr/international/crise-bielorussie-la-russie-et-poutine-s-agacent-depuis-longtemps-du-jeu-de-balancier-de-alexander-loukachenko-2161961.html [23] Article paru dans le journal Les Echos, publié le 16/08/2020. Disponible en ligne sur : https://www.lesechos.fr/monde/europe/lavenir-dalexandre-loukachenko-se-joue-entre-foules-en-colere-a-minsk-et-soutien-de-moscou-1232744 [24] Tweet du Secrétaire d’Etat aux affaires européennes, publié le 14/08/2020. Disponible en ligne sur : https://twitter.com/CBeaune/status/1294317825142726657?s=20 [25] Article paru dans le journal Le Parisien. Publié le 19/08/2020. Disponible en ligne sur : https://www.leparisien.fr/international/bielorussie-l-union-europeenne-ne-reconnait-pas-le-resultat-de-l-election-de-loukachenko-19-08-2020-8370135.php [26] Tweet du Ministre de l’Intérieur, publié le 12/07/2020. Disponible en ligne sur : https://twitter.com/GDarmanin/status/1282329487556988931 [27] https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2717 [28] Article paru sur la BBC, publié le 11/08/2020. Disponible en ligne sur : https://www.bbc.com/news/uk-politics-53723687 [29] https://www.institut-crises.org/post/veille-gestion-de-crise-intelligence-%C3%A9conomique-et-strat%C3%A9gique-n-3 [30] Dans une notice maritime (Navtex) publiée dans la nuit de samedi à dimanche, la marine turque indique que le navire de forage Yavuz, déployé au large de Chypre depuis plusieurs mois, mènera des recherches au sud-ouest de l'île du 18 août au 15 septembre. [31] Article paru dans le journal Les Echos, publié le 14/08/2020. Disponible en ligne sur: https://www.lesechos.fr/monde/europe/lescalade-du-conflit-entre-grece-et-turquie-en-quatre-questions-1232502 [32] https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2020/08/19/conclusions-by-the-president-of-the-european-council-following-the-video-conference-of-the-members-of-the-european-council-on-19-august-2020/ [33] Communiqué de presse du Ministère des Armées, publié le 13/08/2020. Disponible en ligne sur : https://www.defense.gouv.fr/salle-de-presse/communiques/communique_renforcement-de-la-cooperation-en-mediterranee-orientale [34] Tweet de la Ministre des Armées, publié le 13/08/2020. Disponible en ligne sur : https://twitter.com/florence_parly/status/1293874905625370626

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