Par Bertrand MENA — Officier superviseur en centre opérationnel départemental d'incendie et de secours (SDIS 91)
Pour l’ouverture de ce nouvel article je tiens d’abord à apporter tout mon soutien aux forces de police et aux familles dans le cadre du tragique évènement hier au soir à Paris.
Lors d’un attentat, les secours aussitôt prévenus projettent sur le site des moyens humains et matériels en vue de répondre à la mission de secours qui leur incombe. Moyens de secours à victimes, postes médicaux avancés, engins de lutte contre l’incendie et bien d’autres sont en transit. Leur objectif : prendre en charge les victimes une fois les lieux sécurisés, les traiter, et enfin les évacuer vers les établissements sanitaires qui pourront les accueillir. Mais la réussite de cette mission dépend de plusieurs éléments et aujourd’hui nous mettrons en lumière l’organisation spatiale et matérielle des secours afin de pouvoir répondre avec efficience à la mission de secours. Où se placer, comment se placer, et quels matériels emporter sont autant de questions que pourrait se poser tout acteur de secours cheminant vers le site de l’attentat. Entre vitesse et précipitation, essentiel et accessoire, nous allons tenter de placer le curseur.
L’organisation spatiale
« Les secours doivent être rapides et se présenter rapidement sur les lieux » voila la conception d’une large part des sapeurs-pompiers. Cette conception n’est en aucun cas a remettre en doute mais elle s’inscrit dans une culture historique, hors du temps des attentats qui concernent aujourd’hui le territoire national. Or, nous l’avons vu récemment l’organisation spatiale des secours n’est pas une mince affaire car elle s’adapte aux structures existantes ( structures batimentaires, géographie des lieux, milieux confinés ou trop exposés). Nous avons en tête les images des attentats ou tentatives d’attentat récentes, qui montraient une saturation de la zone des secours, et des lieux qui ne se prêtaient pas à l’organisation parfaite. Je pense notamment aux événements d’Orly le 18 mars dernier, ou à l’assassinat de ce prêtre en l’Eglise de Saint-Etienne-du-Rouvray. Or, il est à mon sens nécessaire et vital de préparer ce type de mission de secours d’une manière quasi militaire dans le placement des véhicules d’une part et dans l’organisation fonctionnelle des effectifs. Le placement des véhicules doit anticiper toute dégradation de la situation, surtout dans le cas où le ou les assaillants sont toujours mobiles. Pouvoir faire un « bond » de quelques dizaines à quelques centaines de mètres et afin de réfléchir a nouveau le zonage d’intervention et mettre en protection les différentes unité, cette réflexion est une étape clé. Sens de stationnement, possibilité de dégagement, centre de regroupement des moyens (ou zone de déploiement initiale), temps de réaction pour le « bond en arrière » doivent être des priorités dans le raisonnement tactique de tout officier, commandant des opérations de secours. Ces éléments, inclus dans les hypothèses d’évolution de la situation : H1, H2, H3 tiennent compte de la menace à laquelle nous faisons face: arme légère, lourde? risque explosion ? risque chimique? Il appartient donc a chaque « patron » de repenser son dispositif et son zonage en permanence selon les éléments d’évolution possible qu’il détient.
L’organisation matérielle
Quels matériels et quels engins déployer sur un attentat ? Voila la question que je me suis posée. Certes l’air du temps est aux modules préconstitués. Valeur sûre quant à l’obligation de moyens dont relèvent les secours en France. Mais hors de Paris, est-il vraiment nécessaire de déclencher des modules gourmands en effectif et en matériel? Et si un autre attentat se produisait quelques minutes après le premier et ce, sur un site différents qui deviendrait (peut-être) prioritaire? Chaque attentat est diffèrent, chaque situation impose son lot de contraintes, de problématiques, et de nécessité de dimensionnement des secours. Certes nous pourrons toujours réorienter des unités vers un autre site, et pour faire lien avec la première partie, si les engins ne peuvent pas se dégager du fait qu’ils sont « englués » dans le premier dispositif alors nous parviendrons difficilement à rejoindre le deuxième site dans les meilleurs délais. En terme de matériel individuel et collectif, le matériel complet de secours à victimes est il nécessaire? Cadrer et conceptualiser la mission de chacun permet de dimensionner les moyens à prendre. La mission est elle d’urgence vitale? Dans ce cas là est obligatoire de prendre la totalité du matériel, la question subsiste. Il me semble judicieux de réfléchir à présent au port d’un gilet tactique par les primo-intervenants notamment les groupes extraction, afin de pouvoir y placer les éléments nécessaire au maintien des fonctions vitales. Arrêt d’hémorragie, ciseaux, marqueurs, garrots, gants… en somme le strict nécessaire. Un gilet sur soi, permet de pouvoir se mouvoir, éviter que les sacs de prompt secours épongent des flaques de sang, et surtout agir dans toutes les situations. Véritable « deuxième peau », il fait corps avec le secouriste et lui permet d’avoir tout le matériel à disposition en une fraction de seconde.
Pour conclure, la préparation de la mission de secours est assurément le gage de réussite de cette dernière. Réfléchir, ne pas se précipiter, appréhender et concevoir l’improbable relève des missions de chaque commandant des opérations de secours et de chaque acteur plus globalement. Le raisonnement tactique tend à évoluer, où la prise en compte de chaque détail couronnera la mission régalienne qui nous est confiée.
Nous remercions Bertrand MENA de nous avoir aimablement autorisé à reproduire cet article sur le site de l’IEC.
Comments