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Information et désinformation dans les unités spécialisées de la police

Par Didier BAZALGETTE et Jean LANGLOIS

  • Didier Bazalgette (PhD) est référent Innovation Intelligence Artificielle et Sciences Humaines et Sociales au sein de l’Agence Innovation Défense. Il a superviser plusieurs dizaines de projets de recherche en partenariat avec des étbalissements prestigeixu comme l’Ecole Polytechnique, l’Ecole Normale Supérieure, l’INRIA etc. Il a également été conférencier-intervenant pour l’IHEDN, le CESD, le CNRLT etc.

  • Jean Langlois (PhD), formé notamment en sciences cognitives, en droit et en philosophie, travaille actuellement pour des projets de l’Institut Polytechnique de Paris avec l’Agence Innovation Défense.


INTRODUCTION


There is an interesting irony at work here: restrict police use of coercion and the use of deception increases (Gary Marx, 1988).


Depuis les années 1960 un changement profond s’est opéré dans les méthodes utilisées par la police américiane pour mener à bien son travail. L’utilisation de la coercition s’est vue peu à peu concurrencée par l'utilisation de la tromperie. Plusieurs raisons expliquent cela :


Suite à de nombreux scandales les techniques dites « third degree », utilisées pour obtenir des informations de la part de suspects ou de témoins, ont été de moins en moins utilisées (le terme « third degree » renvoit à une coercition physique ou psychologique).


Par ailleurs biens que les déclarations et les aveux verbaux aient toujours une certaine valeur pour inculper un individu, les tribunaux ont mis une pression accrue sur les procureurs afin que les enquêtes soient l’objet d’une recherche intensive de preuves matérielles. Or dans de nombreux cas ce n’est vraiment pas une chose aisée. Dès lors, les policier américains ont placé une confiance de plus en plus forte dans l’usage de la désinformation comme le moyen le plus efficace d'accéder à la fois à des preuves matérielles et à des témoignages verbaux.


Nous montrerons que la police puise sa légitimité dans la mission qui lui a été confiée par les citoyens. Si la police est souvent considérée comme une institution spécialisée dans le combat du crime on montrera que sa mission est plus vaste. La police sera en effet définie comme gardien de la paix sociale. Ce modèle qui a de profondes racines historiques permet d’appréhender de manière claire les tâches réglementaires auxquelles la police est appelée à répondre en étant proche des réalités de terrain. Mais justement cette mission qui est confiée à la police engendre une importante responsabilité. L’autorité des policiers ne dépend pas seulement de la présomption par les citoyens d’un savoir-faire propre aux policiers mais repose surtout sur la façon dont ce savoir-faire est utilisé.


Nous serons donc naturellement amenés à poser la question de la légitimité de l’usage de la tromperie par la police. Si la tromperie paraît a priori immorale n’est-elle pas d’autant plus immorale quand c’est la police, institution de l’Etat à laquelle les citoyens ont confié la tâche de les protéger, qui trompe les citoyens ? Peut-on envisager que la protection de la paix sociale puisse se faire au prix de la tromperie ?


Afin d’appréhender la pluralité des pratiques de la tromperie et les limites de ces pratiques dans le travail policier il nous faudra trouver une grille d’analyse rigoureuse. On pourra alors se demander en quoi les différents usages de la tromperie par la police posent des problèmes éthiques différents ?


Enfin, on sera amené à se poser la question pratique des moyens de régulation des usages de la tromperie par la police


I. La Police: gardien de la paix sociale ?


Comme l’explique Berlière la police moderne est le champs de tensions inhérentes à son identité particulière :

  • La police est un rouage important du fonctionnement de l’Etat, du contrôle de la société, et donc un enjeu souvent capital du champ politique.

  • La police est un organisme de régulation des rapports et des conflits sociaux, un rouage essentiel et nécessaire du « vivre ensemble » au sein de la Cité meme si cette charge est naturellement en tension avec un pouvoir coercitif

  • La police renvoit à un métier dont il importe de comprendre les ressorts et les « savoirs » spécifiques et professionnels

  • Enfin, la police est une société particulière avec ses rivalités, ses compétitions ses valeurs et ses règles propres. C’est une communauté d’individus présentant des traits originaux et qui entretient des rapports complexes et souvent contradictoires avec l’opinion publique et les élites politiques.

Peut-on proposer une définition du rôle de la police qui permette de rendre pleinement compte de la diversité des activités policières et qui en montre la portée et les limites ?


On a généralement tendance à penser (les médias et la mythologie qui existe autour de la police le confortent) que la police se concentre avant tout sur la lutte contre la criminalité. Or, de très nombreuses études ont montré que la lutte contre la criminalité représente une faible proportion du travail policier.


Définir le rôle de la police, ce n’est pas seulement appréhender les limites de l’autorité policière, mais c’est aussi tenter de comprendre la façon dont cette autorité peut s’exprimer de la manière la plus optimale possible. Certains diront que l’autorité policière trouve sa meilleure expression lorsque la police fait respecter la loi, mais d’autres peuvent aussi considérer que c’est quand elle rend un service social que l’autorité de la police trouve le mieux sa légitimité.


Cette division des tâches qui apparaît dans la littérature spécialisée est peu convaincante. En effet si la division des tâches semble possible dans un environnement comme une usine où les procédures pour chacun sont limitées et l’objet d’un contrôle quasi-permanent, la complexité de l’environnement urbain et suburbain et la difficulté de prévoir les missions- ne serait-ce qu’au jour le jour- rend impossible la division stricte des tâches de la police.

Il est impossible de dire par exemple que les affaires domestiques concernent exclusivement, pour la police, le fait de faire respecter la loi ou le fait d’apporter une médiation sociale. Ces affaires peuvent concerner ces deux types de tâches. Le contrôle des mouvements de foule est un autre exemple parmi bien d’autres.


Afin de prendre en compte la complexité des tâches policières et afin de proposer une forme normative pour appréhender le rôle de la police on peut s’appuyer sur plusieurs modèles types : On peut proposer trois principaux modèles


La police comme « combattant du crime »


Ce premier modèle a certes la qualité d’être simple et instinctif : Comme l’armée nous protège de la barbarie du dehors, la police nous protège de la barbarie de l’intérieur.


Pourtant ce modèle manque de rigueur pour deux principales raisons : Si tous ceux qui font infraction à la loi agissent d’une manière que l’on peut considérer comme proprement a-sociale, ils ne le font pas de la même manière. La distinction entre le vol à la tire et l’acte de torturer est nécessaire moralement. Le modèle de la police comme combattant du crime tend à obscurcir ses distinctions, les criminels sont les « ennemis » tandis que la police et les citoyens qui respectent la loi sont du côté du bien. Cette dichotomie entre« eux » et « nous » si habituelle en temps de guerre peut être aisément cultivée dans les cercles policiers et aura tendance à donner lieu à un comportement policier qui ne doit pas être privilégié: La police aurait tendance à considérer son rôle comme essentiellement punitif. Tandis que l’armée agit de préférence au-delà de ses frontières, la police poursuit ses activités de lutte contre la criminalité au milieu d’une vie sociale en cours et des citoyens de son pays. La possibilité qu’un innocent soit victime directement ou indirectement d’une intervention policière est extrêmement importante. La vie privée d’un individu peut être envahie et sa vie sociale mise en pièces.


Il existe d’importantes limites au modèle de la police comme « combattant du crime » : La police aurait tendance à résoudre ses missions avec la force et la menace, d’ailleurs de nombreuses sont les études qui montrent que les citoyens se plaignent de la manière dont ont lieu les interpellations de la part de la police. 8 Les policiers ne privilégieraient pas toujours la médiation, mais auraient souvent des comportements intimidants. Cette tendance semble d’ailleurs être renforcée par une culture policière largement fondée sur des valeurs qui renvoient à un idéal de virilité.

Tandis que l’armée agit de préférence au-delà de ses frontières, la police poursuit ses activités de lutte contre la criminalité au milieu d’une vie sociale en cours et des citoyens de son pays. La possibilité qu’un innocent soit victime directement ou indirectement d’une intervention policière est extrêmement importante. La vie privée d’un individu peut être envahie et sa vie sociale mise en pièces.


Il existe d’importantes limites au modèle de la police comme « combattant du crime » : La police aurait tendance à résoudre ses missions avec la force et la menace, d’ailleurs de nombreuses sont les études qui montrent que les citoyens se plaignent de la manière dont ont lieu les interpellations de la part de la police. Les policiers ne privilégieraient pas toujours la médiation, mais auraient souvent des comportements intimidants. Cette tendance semble d’ailleurs être renforcée par une culture policière largement fondée sur des valeurs qui renvoient à un idéal de virilité.


Il est pourtant possible d’améliorer ce problème dès lors que l’on accepte de faire rentrer les activités de lutte contre la criminalité dans une catégorie plus large qui rend compte des autres services sociaux rendus par la police. D’ailleurs, comme on peut le voir avec le modèle suivant, il est possible de prendre en compte l’aspect coercitif indéniable d’une partie évidente du travail de la police en incluant cet aspect -comme participant à une visée plus large du travail policier.


La police comme le prestataire de services d’urgence


Howard Cohen définit le rôle de la police comme le prestataire de services d’urgences (emergency operator) suivant la définition suivante: « Police make decisions and take action where designated authorities cannot or will not ». Il explique que l’ubiquité et l’expérience de la police, lorsqu’il s’agit de régler des problèmes sociaux urgents, en font une ressource de première importance lorsque des professionnels des services sociaux concernés ne sont pas disponibles sur l’instant (médecins, prêtres, etc.).


Joseph Betz explique quant à lui: « Police are not crimfighting out of their element doing social work; they are emergency resource personnel who usually do social work but are competent in crime control as well. »


Le modèle de la police comme gardien de la paix sociale


Le modèle de la police comme gardien de la paix sociale semble offrir le meilleur potentiel pour concilier les taches réglementaires auxquelles la police est appelée à répondre en étant proche des réalités de terrain. Une des qualités de ce modèle réside dans ses profondes racines historiques ce qui nous permet d’en voir les manifestations contemporaines dans des termes plus d'évolution que de révolution


Les origines du modèle peuvent être trouvées dans l’idée anglo-saxonne de paix royale. Cette zone de tranquillité était originellement locale, personnelle et saisonnière, mais fut graduellement étendue pour englober tout le royaume non seulement pendant la vie du roi mais à perpétuité. Les délits contre la paix royale étaient des crimes passibles d'amendes. Dans la société républicaine la paix royale devint la paix publique c’est à dire un environnement social caractérisé par une liberté réglementée. La police de nos jours est devenue son gardien tutélaire. Le rôle de la police est alors d'assurer ou de restaurer un état de paix.14


La défense de la paix sociale ne doit pas être confondue avec la pacification. La police ne doit pas, dans une société démocratique, être le bras armé d'un gouvernement qui souhaite imposer par la force sa volonté contre celle du peuple. Dans cette optique le modèle de gardien de la paix ne s'oppose pas au modèle de combattant du crime ou à celui de prestataire de services d’urgence, mais les renferme.


La paix collective comprise ainsi ne correspond pas tant à l'imposition de règles contraignantes, mais à la satisfaction d'un sentiment de sécurité permettant de faire l’exercice de sa liberté dans une société ordonnée. Il s'agit d'un élément ayant une forte dimension psychologique: La police, pour utiliser la terminologie de Wayne Hanewicz, se doit de résoudre les conflits sociaux afin que la communauté des citoyens soit confortée psychologiquement dans ce sentiment d'ordre.15


Les fonctions de la police doivent lui permettre de s'attaquer aux sources mêmes du désordre social. Dans les limites des ressources qui sont à leur disposition, les policiers doivent faire un travail qui permette l'amélioration de la qualité de la vie sociale et non, seulement, d'empêcher les crimes et le désordre social. Il ne s'agit pas seulement de dissiper la peur, mais également de favoriser une confiance entre les citoyens et de permettre une véritable coopération.16


Que l’on se concentre sur les droits et les obligations traditionnelles ou sur ces droits et obligations pour lesquels la légitimité serait de l’ordre d’un consentement contractuel (pour la police on peut surtout penser au pacte hobbesien) plus explicite, l’action gouvernementale peut être définie comme l’exercice d’une autorité. L’autorité n’est pas une possession mais une relation sociale normative et un statut accordé : C’est toujours les membres de la société qui sont censés accepter une position de connaissance et/ou de pouvoir.


L’autorité de la police est largement liée à l’usage qu’elle fait de son pouvoir


L’autorité n’est pas forcément un élément d’ordre contractuel et peut aussi reposer sur les traditions. Ce qui rassemble les détenteurs d’une autorité c’est la présomption qu’une personne à une capacité précise. Une autorité n’est pas forcément experte et un policier doit surtout faire preuve dans son travail d’un « sens commun » suffisamment informé.

C’est la présomption d’un savoir/savoir-faire et non la possession effective de celui-ci qui est importante. L’apparence est donc un bon moyen d’autorité et discréditer ceux qui possèdent une capacité peut permettre de faire échouer la reconnaissance de l’autorité que leur capacité leur permettait d’espérer.

L’autorité des policiers ne dépend donc pas seulement de la présomption par les citoyens d’un savoir-faire propre aux policiers, mais repose aussi sur la façon dont ce savoir-faire est utilisé.


Si l’action policière est rendue possible par l’autorité conférée aux policiers cette autorité peut dans un régime démocratique libre être remise en question. La dimension coercitive du gouvernement est légitime, mais elle se doit d’être alliée à des contraintes, des limitations.


On peut penser que la persistance de l’autorité gouvernementale dépend de la capacité du gouvernement à se conformer à une limitation de sa dimension coercitive. La légitimité du gouvernement serait gravement remise en question, car il ne serait plus la source du droit et de l’ordre social. Il ne pourrait être distingué du tyran qui utilise la menace continuelle comme mode opératoire.


À ces difficultés s'ajoute le fait que la reconnaissance de l’autorité de la police par les citoyens est naturellement difficile. On peut compter trois principales raisons avec J. Kleinig:

  • Étant donné que la police se doit de faire appliquer la loi et de maintenir l’ordre public, les policiers se doivent de veiller au respect in situ de politiques publiques même si elles sont impopulaires.

  • La possibilité, mais surtout le devoir, d’utiliser régulièrement, au nom de la société, la violence entraine une forte responsabilité. Un citoyen ne se laissera évidemment pas aisément léser de son droit à l’auto-défense.

  • Enfin, tout se passe comme si un officier de police perdait, lorsqu’il porte l’uniforme, une partie de son identité singulière: C’est la raison pour laquelle lorsqu’un policier abuse de son autorité de manière outrancière son action n’affecte pas seulement la confiance qui lui est attribuée, mais la globalité de l’institution policière, ceux qui portent le même uniforme.17

Depuis les années 1960 la capacité d'utiliser la coercition s’est vue peu à peu concurrencée par l'utilisation de la tromperie18. Il y a eu plusieurs raisons à cela :

Tout d’abord il est désormais interdit d'utiliser des techniques dites « third degree » pour obtenir des informations de la part de suspects ou de témoins dans les pays occidentaux (cela ne veut pas dire que cela ne soit pas pratiqué dans certains cas très précis malgré la loi). Dans d’autres pays, lorsque cela est encore autorisé, cela à un effet négatif pour le pouvoir en place si cela vient à être connu de la société civile.

Par ailleurs même si les déclarations et les aveux verbaux sont toujours, et resteront toujours, des preuves d’une certaine valeur, les tribunaux ont mis une pression croissante sur les procureurs pour que les enquêtes soient l’objet d’une recherche intensive de preuves matérielles. Dans de nombreux cas ce n’est vraiment pas une chose aisée : dès lors, depuis le début de la seconde moitié du XXème siècle, les enquêteurs de la police ont placé une confiance de plus en plus forte dans l’usage de la tromperie comme le moyen le plus efficace d'accéder à la fois à des preuves matérielles et à des témoignages verbaux.


Avec cette intensification de l’usage de la tromperie, l’utilisation des informateurs posait des problèmes éthiques importants et les infiltrations de policiers les mettaient dans des situations à la frontière de l’illégalité. Si ces« outils » de la tromperie policière sont encore au cœur de la stratégie d’enquête, le développement de nouvelles technologies extrêmement performantes dans le domaine de l’enregistrement sonore et visuel a permis de diminuer un grand nombre des risques liés aux infiltrations, mais pose des problèmes graves sur le respect de la vie privée des citoyens. Or même lorsque s’est posé cette grave question du respect de la vie privée des individus, la police n’a cessé de faire usage de la tromperie multipliant d’ailleurs les moyens de tromper et planifiant un utilisation de la tromperie avec de plus en plus de raffinement.

II. Paix sociale et désinformation


Dans Undercover Gary Marx livrait une analyse pointue du travail d’infiltration policière aux États-Unis. Cette brillante étude a ouvert un champ entier d’étude pour les chercheurs. Même si Undercover est très riche et contient des thématiques qui s’adressent à de nombreuses spécialités, c’est surtout aux sociologues et aux philosophes que Marx adresse son travail en proposant une analyse provocante de l’émergence de nouvelles formes de contrôle social mises dans les mains de la police et des inévitables dilemmes moraux qui leur sont associés.

Gary Marx prend le problème de la tromperie sous son angle le plus impressionnant. D’autres chercheurs (particulièrement aux États-Unis et en Australie) ont participé à faire de l’usage de la tromperie par la police un objet d’étude. On peut citer par exemple William Hart, Jérôme Skolnick, Seumas Miller et évidemment David Bayley (qui se livra à un travail de fond extrêmement complexe en donnant des clefs sur le possible contrôle de l’usage de la tromperie par la police dans une tentative de comparaison internationale).


C’est au carrefour entre les études sociologues, juridiques et philosophiques qu’une génération de chercheurs basés notamment à New York, Berkeley ou Sydney ont analysé un changement décisif que Richard Leo décrit de la manière suivante : « Manipulation and deception have replaced force and direct coercion as the strategic underpinnings of information-gathering techniques that police now emlploy during criminal investigation. The « new surveillance » represents a broad cultural shift from harder to softer processes of control. These changes raise important ethical questions about the appropriaterelationship between individual rights and state power in a democratic society»

Depuis la seconde moitié du XXème siècle, les méthodes de police ont largement changé. Comme l’explique Richard Leo, le fait que la tromperie remplace la coercition (appelée « third degree » et renvoyant à trois principales catégories: i) une coercition physique pouvant aller jusqu’à la torture, ii) la « covert third degree physical torture », mais aussi iii) la coercition de nature psychologique telle que les « incommunicado cells » dont faisait état le Wickersham Report) est « one of the most salient defining features of contemporary police ».


Si l’usage de la tromperie par la police est un sujet auquel s’intéresse un petit nombre de chercheurs anglophones, l’intensification des techniques tromperie est traitée de manière ponctuelle par les médias lors de scandales. À une époque où les médias ont une influence décisive dans le jeu démocratique, c’est un élément que l’on doit prendre en compte. Plusieurs affaires liées à l’usage de la tromperie ont ainsi défrayé la chronique aux États-Unis, je vais prendre trois exemples connus :


Évidemment mon premier exemple sera la célèbre affaire ABSCAM. C’est une opération qui fut menée par le FBI entre 1978 et 1980. L’enquête menée par le bureau du FBI de Hauppauge (New York) et l’Organize Crime Strike Force du Département de Justice pour la zone Est de New York qui avait originellement pour cibles des recels d’objets volés est rapidement convertie en une enquête sur la corruption de personnalités politiques.

Le FBI et le département de Justice utilisent un homme condamné pour escroquerie pour filmer des personnalités politiques en train d'accepter des pots-de-vin d’une société arabe frauduleuse en échange de faveurs politiques. Cette société, Abdul Enterprises tenue par de faux sheiks avait été monté de

toutes pièces par les agents du FBI. Cette opération avait permis d’accuser des membres du Sénat et du Congrès. 22

Dans une affaire moins connue, mais également très intéressante, l’Affaire Twigg de 1978, un américain fut arrêté pour fabrication de « speed » alors que des membres de la Drug Enforcement Administration lui avaient donné tous les équipements nécessaires à la fabrication de cette drogue (un site pour la produire, les équipements techniques et les substances nécessaires à sa fabrication) et qu’un informateur de la police lui avait appris le savoir-faire. 23


Plus récemment dans l’affaire Jacobson de 1992, un fermier fut arrêté pour avoir commandé des revues à caractère pédophile après avoir été harcelé de courriers publicitaires d’une société fictive créé de toutes pièces par des agents de la police et de la US Post Office and Customs, l’ American Hedonist Society.

Comme l’explique Sissela Bok il y aurait une tendance « naturelle » de la tromperie à se répandre à tout les domaines et situations de la vie. Une tromperie qui revêt une certaine forme à un moment donné aura tendance à engendrer de nombreuses autres tromperies dans d’autres circonstances et à des degrés divers. Pour « couvrir » par exemple ma première tromperie je vais tromper à nouveau ou bien ma tromperie peut engager une autre personne à tromper à son tour. Il y aurait une pente glissante/fatale(slippery slope) inhérente au phénomène de la tromperie.


Un autre argument contre la tromperie montre qu’elle remet en question, au moins de manière partielle, l’autonomie des citoyens. Dans une société démocratique libre le non-respect de l’autonomie des autres citoyens est un tort moral prima facie.


La tromperie restreint la capacité de la personne à faires des choix indépendants. Cette capacité de faire des choix indépendants peut se trouver amoindrie car l’individu ne pourra se représenter toutes les options qui sont disponibles ou bien parce que les choix qui sont présentés le sont de manière biaisée. En trompant quelqu’un on peut acquérir un pouvoir sur lui et mieux prévoir ses réactions, par ailleurs on traite essentiellement la personne qu’on manipule ainsi comme un moyen.

La tromperie touche l’autonomie d’un autre citoyen ou bien enferme dans un cercle vicieux, la tromperie semble donc condamnable moralement. Lorsque la tromperie vient de l’Etat, c’est à dire précisément de ses représentants légaux, elle porte atteinte directement à la confiance dans ces institutions et peut fortement affaiblir la légitimité de l’État. La Police fait-elle usage d’une tromperie qui est une trahison de la confiance accordée par les citoyens ?

Sachant que, dans une démocratie, l'institution policière est chargée par la communauté des citoyens de défendre la sécurité et l’ordre social, on doit, ici prendre comme prémisses le fait que :

Nous accordons de fait notre confiance à la police pour accomplir sa mission

Si la police trompe les citoyens il faut considérer que c’est une tromperie qui porte atteinte à la confiance accordée par la communauté des citoyens

On doit accepter qu’il y ait un grave problème éthique si on admet que l’usage de la tromperie lorsqu’il est l’acte d’un policier porte atteinte à la confiance accordée par la communauté des citoyens, même pour remplir la mission qui lui a été confiée.

Le grand philosophe Bernard Williams donne dans Truth and Truthfullness des éléments de réflexion très pertinents pour notre travail. Il a en effet l’originalité de distinguer deux types de tromperies : l’acte de tromperie qui est fondé sur la trahison de la confiance et les autres actes de tromperie.

Il nous faudra donc définir ce qu’est une tromperie qui trahit la confiance de l’autre et ce qui la diffère des autres types de tromperie. Malheureusement Bernard Williams ne développe pas la distinction entre les deux types de tromperies qu’il définit. C’est chez Annette Baier dans Moral Prejudices que l’on trouve les éléments permettant une telle distinction: Baier explique en effet qu’il n’y a pas besoin d’avoir accordé sa confiance à quelqu’un pour qu’il nous trompe. Notre façon de calculer les avantages et les coûts de nos actions nous amène souvent, lorsque nous sommes dans une situation d’incertitude, à commettre des erreurs. 26


On peut prendre l’exemple du vendeur de fruits sur un marché: Nous sommes des clients réguliers de ce vendeur et nous décidons de penser que ce vendeur ne nous trompera pas, car s’il nous trompait et que nous le découvrions, il perdrait un client pour toujours. Il y a un lien entre nous et le marchand de fruits qui nous pousse à penser qu’il ne nous trompera pas, ce lien c’est que nous sommes des clients réguliers. On peut également envisager que si le marchand de fruits nous trompait nous n’hésiterions pas à en parler dans le quartier et qu’il aurait alors une mauvaise réputation qui lui couterait cher.


Dans cet exemple on ne peut pas dire que l’on ait donné sa confiance au marchand de fruits et s’il venait à nous tromper alors ce ne serait pas une remise en question de notre confiance envers lui. Si le marchand de fruits nous trompe, c’est simplement que nous nous sommes fondés sur un calcul incertain et que nous nous sommes trompés.


La tromperie ne correspond pas toujours à une atteinte à la confiance de l’autre. La tromperie peut être trahison de la confiance d’autrui et porte alors atteinte à l’essence même du vivre ensemble tandis qu’une tromperie qui n’implique pas ce problème de la confiance n’engage pas la responsabilité du trompeur d’une manière aussi radicale.


La tromperie lorsqu’elle est produite par l’agent d’une institution chargé de servir la communauté, telle que le policier, est une tromperie qui pose le problème de la confiance que nous accordons à cette institution.


Prenons à présent le parti de tenter (in absurdum) une justificationde l’usage de la tromperie par les policiers.


On va tenter d’appliquer l’argument de la défense légitime pour justifier la tromperie policière. C’est un argument souvent utilisé par les policiers pour justifier leurs actes lorsqu’ils ont choisi de tromper des citoyens.


Sans rentrer directement dans le cas précis des agents de la police cet argument consiste à dire qu’il est acceptable pour un individu d’user de la tromperie quand c’est pour se défendre d’une agression extérieure ou d’une autre tromperie. Imaginons qu’un criminel vous demande sous la menace de lui révéler l’endroit où se cache l’homme qu’il veut tuer. Vous décidez de le tromper pour éviter que ne soit commit un assassinat. Dans ce cas il est difficile de ne pas considérer que votre acte était légitime mais surtout nécessaire. De la même manière si un homme nous demande de lui avouer un crime que nous avons commis et qu’en lui révélant la vérité nous risquons la mort alors on peut aussi considérer que nous avions une grande légitimité à lui mentir.

Ajoutons un degré de complexité et prenons un autre exemple : Nous sommes dans un casino et nous jouons au poker, nous constatons qu’un des joueurs trichent. Nous avons deux choix : ou nous décidons à notre tour de tricher ou nous décidons d’arrêter de jouer tant que nous n’avons pas perdu de gains contre ce tricheur. Sachant qu’un autre moyen que de tricher était possible (partir) et que le coût de ce choix était très faible, voire nul, choisir de tricher contre le tricheur paraît peu légitime.


Pourquoi l’argument de la légitime défense est très faible lorsque les individus considérés sont des policiers? Les policiers ne sont pas seulement des citoyens, dès lors qu’ils revêtent leur uniforme de police ils sont chargés d’une mission particulière qui est fondée sur un transfert de pouvoir des citoyens vers une institution qui doit veiller à la sécurité et à l’ordre social. Il faut d’abord faire très attention, il ne s’agit absolument pas de mettre en doute le droit légitime et nécessaire des agents de police de faire usage de la légitime défense lorsque leur vie est en danger, mais bien de montrer que le policier lorsqu’il est dans un rapport interpersonnel avec un citoyen dans le cadre de son travail ne doit pas servir son intérêt, mais que c’est l’intérêt de la communauté qui doit prévaloir. Admettons un cas très classique dans un commissariat : Lors d’une audition, un homme prend le policier pour un imbécile et lui ment outrageusement. Le policier ne peut en aucun cas décider de le tromper à son tour seulement parce que ce citoyen lui ment.

Le policier peut par contre éventuellement décider de faire usage de la tromperie, mais si c’est pour l’intérêt de la communauté, pour faire avancer une enquête portant sur un tueur en série par exemple. Dans ce cas on doit prendre en compte le fait que l’on est (où que l’on n’est pas) dans une situation où la tromperie est i) ou bien le dernier recours ou bien ii) l’alternative à une action beaucoup plus coûteuse pour la communauté : par exemple après de nombreuses tentatives on doit se résoudre à ce que sans l’usage de la tromperie un témoin ne donnera pas les déclarations qui permettront d’arrêter le tueur.


Il existe enfin un cas de tromperie bien particulier qui pourrait passer comme acceptable- il se fonderait en effet sur une version mal comprise de l’argument de la légitime défense—, mais qui est particulièrement illégitime : Un policier ne peut pas légitimer un usage de la tromperie contre un individu en raison d’une appartenance sociale, de genre ou de race en partant de l’idée (appuyée ou non sur des expériences ) que tel « type » de personne trompe plus qu’une autre et donc doit recevoir un traitement différent

.

III. Principaux modes d’encadrement de la désinformation policière


Le contrôle des actions de la police peut être exercé de l’intérieur même de l’institution policière ou par une institution extérieure à la police. Effectuer la distinction entre un contrôle interne et un contrôle externe dépend logiquement de la capacité à déterminer la place de l’acteur qui effectue un contrôle sur l’institution policière. Cela semble simple en principe, mais il y a des difficultés importantes dans la pratique.

Même au sein d’institutions internes à la police et ayant des missions de contrôle de la police certains individus n’appartiennent pas au corps de la police. Par ailleurs des institutions externes qui ont la charge de contrôler les forces de police ne sont pas toujours exclusivement chargées de la police. Par exemple les commissions civiles chargées du contrôle de la police aux États- Unis (au niveau fédéral et au niveau des États) sont chargées exclusivement des affaires policières alors que le pouvoir législatif américain lorsqu’il doit faire face à une faute ou à un excès d’un officier de police (par exemple le fait qu’un officier de police trompe la Cour lors d’un procès, c’est à dire fasse acte de parjure) officie sur ce problème au sein de sa mission plus large qui est la régulation des actions des institutions publiques.


Comme le rappelle David H. Belley: « It would be neat theorically if internal control devices could also be subdivided into exclusive and inclusive sets. Then one would have the usual fourfold typology. This is not possible. By definition any control device applies exclusively to police. But another distinction can and should be made about control within police organizations. Not all internal control is exerted through mechanisms that exclusively control ; other assist in controlling, but that is not their primary function (…) Devices for achieving control of the police should be described in terms of four categories : external-exclusive, external-inclusive, internal-explicit and internal-implicit ».


Les organismes de contrôle externes s’occupant exclusivement de la police


Les institutions externes à la police qui détiennent un rôle de contrôle sur l’institution policière sont différentes selon le pays. La division essentielle est assez simple, d’un côté il y a les pays qui ont intégré des instances de contrôle de la police au sein du gouvernement et de l’autre les pays qui ont chargés de la mission du contrôle de la police des instances ad hoc non gouvernementales.


Aux États-Unis, cette responsabilité est exercée par le gouvernement principalement, il s’agit généralement des fonctionnaires de l’exécutif tels que les maires, les gouverneurs et le Président. Sur le continent européen, c’est surtout les fonctionnaires dans les ministères de l’Intérieur et de la Justice qui sont chargés de cette mission. Quelques pays, plus rares, comme l’Indonésie et le Sri Lanka chargent le ministère de la Défense de cette mission (il faut faire attention à ne pas inclure les gendarmes français et l’Arma dei Carabinieri italienne qui ne relève pas de la police, mais d’une force militaire séparée strictement de l’institution policière).


Dans certains pays par contre le contrôle de la police a été donné à des instances extra-gouvernementales même si ces instances sont des organismes officiels. L’exemple type est celui du Japon où ce sont des commissions nationales et préfectorales, ces commissions sont composées par des membres désignés par le gouvernement, il s’agit de hauts fonctionnaires et d’élus nationaux qui n’ont pas occupé une position au sein du gouvernement japonais depuis au moins 5 ans. 58


Dans l’Ontario et dans les provinces de l’ouest du Canada, la police doit régulièrement faire face aux commissions de sécurité publique, ces commissions exercent leurs pouvoirs au niveau d’une ville (commission municipale) ou au niveau provincial (commission provinciale). En Grande- Bretagne, tous les policiers à l’exception des forces de police de Londres sont soumis à des autorités de contrôle locales extérieures aux pouvoirs politiques locaux. On le comprend le but même de ces différents organismes externes est d’assurer un contrôle sur la police qui ne soit pas sous l’influence d’intérêt politique ou émanant de la hiérarchie policière.


En Russie la police peut devoir rendre des comptes directement aux bureaux ministériels. Aux États-Unis plusieurs élus ont un contrôle immédiat sur la police : le maire peut contrôler les Chief of Police , les gouverneurs les Head of the State Patrol , le Président des États-Unis et le directeur du FBI.


De manière peut-être plus grave, dans le cas de l’Inde on remarque que depuis 20 ans ce sont les représentants des États qui ont pris en charge le contrôle des instances de police ce qui pose un problème de taille étant donné l’énormité du problème de la corruption en politique en Inde.

Il existe enfin des comités ou des conseils populaires-généralement composés de citoyens et d’experts - qui ont un rôle consultatif et ne disposent pas formellement d’un pouvoir d’action. Ils ne sont pourtant vraiment pas à sous- estimer comme le montre leur influence au Danemark et en Suède. Quelques villes aux Etats-Unis expérimentent ces possibilités et de manière très

organisée les cantons de Suisse possèdent souvent ce type de conseils consultatifs ayant une influence non-négligeable. 59


Les organismes de contrôle externes s’occupant notamment de la police


Certains organismes extérieurs à l’institution policière s’occupent de contrôler la police, mais le font par intermittence ou indirectement. L’exemple le plus évident est celui des les tribunaux. Dans de nombreux pays, les tribunaux sont habilités à sanctionner les officiers de police pour des infractions effectuées lors de leur service. Il faut savoir qu’en Grande-Bretagne avant le Police Act de 1964, les policiers étaient condamnés à payer avec leur propre argent l’intégralité des dommages qui avaient été évalués. Le contrôle par les tribunaux repose dans une très large mesure sur la possibilité pour les citoyens de reconnaître aisément un policier de manière individuelle, c’est à dire avec une plaque et un numéro individuel (le matricule).


Si ce fut l’objet d’un large débat en France (qui a débouché sur l’obligation du port du matricule après le décret du 24 décembre 2013). C’est inconcevable au Japon et en Inde, mais par contre c’est une obligation aux États-Unis et en Grande-Bretagne depuis le milieu du XIXème siècle. Au-delà d’un contrôle par les tribunaux il y a ici également des éléments qui relèvent du contrôle de la police par la communauté des citoyens.


De manières générales les assemblées législatives ont un rôle de contrôle sur la police qui est souvent mal évalué, car il n’est pas toujours direct. À ce titre il y a trois grands outils de contrôle de la police dans les mains des assemblées législatives :


Les assemblées législatives peuvent créer des conditions favorables à un bon exercice du travail policier en jouant sur les salaires, les niveaux de qualification et évidemment les règles de bonne conduite nécessaires à une promotion au sein de la hiérarchie de la police.


Les sanctions sous forme de diminution du budget si les comportements llégitimes se produisent régulièrement est un aspect sur lequel appuie Bayley.

Enfin, il peut être utile de soumettre l’activité de la police à l’examen public par des enquêtes et des convocations d’information devant les tribunaux.

Évidemment ce modèle est idéal et les assemblées n’ont pas toujours ces trois outils de contrôle: Les Pays-Bas sont probablement l’idéal-type du pays où l’assemblée n’a presque pas de pouvoir de contrôle, car les trois éléments que nous avons présentés sont régis par le ministère de la Justice, par contre aux États-Unis les assemblées ont clairement ces trois outils en main.


Mécanismes de contrôle internes et explicites


« A description of control mechanisms within police institutions must focus on processes rather than structures. Most police organizations especially large one have the same kind of differentiated structures. The important question is whether the parts operate in ways conducive to producing conformity between police behavior and community whishes » (Bayley)61


Cinq caractéristiques explicites du contrôle interne sont particulièrement importantes : l’étendue du pouvoir disciplinaire possédé par l’organisation, la proximité de cet organisme avec le personnel policier, la nature des procédures disciplinaires, l’habituation des policiers par leurs supérieurs hiérarchiques à une rhétorique ouvertement disciplinaire.


Le pouvoir réel d’une organisation de contrôle interne à la police dépend avant tout de la mesure dans laquelle elle est autorisée à le faire. Certaines forces de police comme celles du Japon jouissent d’une grande souveraineté en matière de contrôle interne. Bien que les commissions de sécurité publique supervisent la gestion du personnel policier, ce sont les policiers japonais eux- mêmes - dans le cadre du droit - qui sont chargé faire régner la discipline au sein de leur police. La police montée canadienne n’est pas soumise aux avisdes Cours de justice, mais doit en contrepartie imposer une stricte discipline dans ses rangs par elle-même. Le commissaire de police peut accorder au Canada sans le moindre procès jusqu’à trente jours d’enfermement aux officiers ayant eu des actions mettant en péril la rectitude de la police montée.62 Aux États-Unis, en revanche, les officiers supérieurs de la police font valoir que la discipline est un problème sur lequel ils n’ont pas assez d’influence, en effet les sanctions disciplinaires émanent des commissions de la fonction publique et des tribunaux.


Rubistein propose une analyse assez intéressante sur le pouvoir de contrôle des officiers supérieurs de police 63 . Il explique que le pouvoir des officiers supérieurs sur leur personnel en matière de discipline se caractérise aussi par ce qu’ils décident de faire de ce pouvoir. Il distingue une tradition plutôt occidentale où le travail policier serait perçu comme un travail complexe et solitaire et où la discipline est souvent considérée comme un frein à l’initiative personnelle du policier alors que des pays comme le Japon ou l’Inde (de manière encore plus radicale que le Japon) considère que l’action d’un policier n’est jamais une action individuelle et lorsqu’un policier agit de manière peu vertueuse il porte atteinte directement à l’image de son unité.64


L’efficacité du contrôle interne explicite dépend évidemment des procédures disciplinaires fixées. Ceci est un sujet complexe. Certaines organes de police (en France par exemple) ont des codes établies et mis régulièrement à jour d’autre non. Ce qui compte c’est également évidemment la réelle capacité d’action qui nécessite que c’est organismes ne soit pas trop limités en moyen et puissent disposer de personnels d’enquête spécialisés (comme l’IGPN en France). Il faut également que soient prises en compte un certain nombre de dispositions permettant d’effectuer une enquête en partant d’informations récoltés dans les commissariats. Ceci signifie tout simplement que ces organismes sont avant tout d’effectuer une quête grâce aux informations des chefs d’unités et commissaires. Ce point est donc très influencé par les points 3 et 4.


Le contrôle peut être considérablement augmenté au sein de la police si la hiérarchie fait adopter, en plus des procédures de commandement habituelles, au personnel policier des habitudes de respect au jour le jour des règles de pédagogie et de discipline. Cela consiste à favoriser l’esprit critique des policiers entre eux, la rhétorique de la hiérarchie peut, comme au Japon, reposer sur l’idée que surveiller son collègue de travail et lui faire état de ses critiques s’il commet des abus ce n’est pas fragmenter l’unité des policiers, mais au contraire permettre la pérennité de l’unité des policiers par le respect d’une conduite honorable et donc valorisante pour tous. Les policiers japonais travaillent presque toujours par paire. Si cette idée est assez peu valorisée en Europe et aux États-Unis elle a, semble-t-il, un certain potentiel.


4) Le contrôle interne de la police peut aussi être affecté par la construction d’une vraie rhétorique de l’importance de la moralité des policiers pendant l’exercice de leur travail. Comme le rappelle Bayley, cela ne peut pas fonctionner si les officiers supérieurs ne se sentent pas investis de la mission de faire régner la moralité dans leur troupe65. Si cette rhétorique est omniprésente dans la police japonaise et n’est pas tout à fait étrangère à la police française, les officiers supérieurs américains-malgré les scandales récurrents- semblent éprouver des difficultés à parler à leurs subordonnés des exigences morales de la police.


Mécanismes de contrôle internes et implicites


Des organismes internes à la police peuvent également jouer le rôle de contrôles indirects sur la police. Tout d’abord, le personnel est souvent organisé en associations, en syndicats voire en confréries. Ces organismes peuvent tenter d’atténuer le contrôle institutionnel et les sanctions disciplinaires (en France et aux États-Unis les syndicats de police sont extrêmement puissants) ou au contraire être au cœur du processus d’intensification de la discipline comme c’est le cas au Japon ou en Inde (d’autant plus en Inde, car les policiers sont souvent issue des mêmes castes) où ces organismes jouent le rôle de relais auprès des supérieurs hiérarchiques.

Il existe un levier essentiel du contrôle des policiers qui est tout simplement la mise en place de formations appropriées. Ce levier est particulièrement important.

Encourager un contact régulier entre forces de police et communauté civile peut avoir un effet significatif sur le comportement des polices. Les policiers américains croient qu’une amélioration de l’intégration sociale des policiers est indispensable. La police japonaise maintient une certaine isolation sociale des policiers, mais appuie sur l’importance du travail « de terrain » à tous les échelons de la hiérarchie policière pour rendre l’interaction régulière inevitable entre les policiers et la société civile. En Inde le contact étroit et régulier entre policiers et civils et la très bonne intégration sociale des policiers (qui le sont souvent d’ailleurs de génération en génération) ne sont pas toujours positifs, car ils posent le problème de la corruption.

Le meilleur contrôle de la désinformation dans la police est-elle la police elle-même ?


Si, comme on l’a vu, l’institution policière doit régulièrement faire face à différents types d’organismes de contrôle externes, les différents processus de contrôle internes semblent plus appropriés.


Comme on l’a vu lorsqu’on a présenté la place de la tromperie dans les différentes activités policières, les techniques utilisées pour tromper sont par essence difficiles à établir hors d’un contexte très précis et les organes extérieurs avant même de pouvoir sanctionner ce type de comportement – si et seulement s’il est jugé abusif- aura d’immenses difficultés à enregistrer régulièrement les abus. Bayley défend cet argument : « A determined police hide almost anything it wants from outside inspection, certainly sufficiently so as to make outside supervision a complete hazard ».

Un contrôle interne aura par ailleurs naturellement plus de facilités à se concentrer sur une variété de faits, à les comparer et surtout à les replacer dans une continuité quand les organismes de contrôle externe restent tout de même limités essentiellement aux excès les plus marqués etparfois simplement les plus médiatiques.


Le contrôle interne peut user de sanctions formelles ou de sanctions informelles, ces dernières qui sont malgré tout au cœur même des stratégies de management de son personnel par un commissaire. Par exemple si telle personne est excessive dans les tromperies qu’il effectue lors de son travail d’investigation « sur le terrain », il ne sera pas difficile de le charger d’une mission qui peut être moins valorisante comme la mise en manuscrit de plusieurs heures d’enregistrements téléphoniques.


Pour résumer, l’idée est très simple : une force de police dont les membres sont prêts à se conformer aux normes de la communauté est plus susceptible d’y parvenir en effet qu’une force de police qui y sera contrainte par un organisme extérieur.


Les intrusions répétées d’organismes extérieurs à la police sont souvent interprétées par les policiers comme une menace de leur autonomie organisationnelle. Mais c’est surtout, explique Bayley un choix peu productif sur le temps et qui risque de fragiliser le contrôle interne : « The natural inclination on the part of the police is to begin to dissemble covering up mistakes and putting appearances before discipline. In these circumstances, senior officiers often find regulation of subordinates very difficult. In order not to be considered outsiders themselves losing the leverage that comes from solidarity, they turn a blind-eye to misdeeds. Gradually, the capacity of the institution for self- discipline by peers is undermined »69.


Le cycle auquel fait allusion Bayley aura malheureusement tendance à s’auto- perpétuer : Dès lors que la discipline décline on peut prévoir une augmentation des abus et donc une augmentation du manque de confiance de la société civil envers la police. La volonté d’encadrer la police de manière externe risque alors de s’accentuer à nouveau. Comme le dit Bayley: « Through this dynamics, external regulation achieves less in accountability than it might »70.


Défendre que les contrôles internes et notamment les contrôles internes implicites doivent être une préoccupation importante pour lutter contre des abus de la police en matière de tromperie ne signifie pas nécessairement de laisser les actes appels d’abus inconnus du grand public. L’utilisation de la tromperie par la police semble à ce jour manquer non seulement d’efficacité, mais également d’honnêteté vis-à-vis de la société civile. Ces deux éléments semblent correspondre au même problème :


Selon la literature spécialisée, la désinformation est très largement autorisée et pratiquée, mais elle l’est le plus souvent d’une manière qui n’est pas vraiment assumée.

Ceci pose d’abord des problèmes au sujet de la formation des agents de police: Comment est-il possible que les « outils » de la tromperie au cœur même du travail policier soient aussi peu l’objet de formations auprès des policiers ? Pourquoi lorsque de nombreuses entreprises privées font appel à des sociologues, à des psychologues cognitivistes ou des experts en sociologie sociale, pour leur montrer comment peuvent fonctionner des mécanismes relativement simples en ce qui concerne les biais cognitifs voire les applications psychologiques de la théorie des jeux, des forces chargées de veiller à la sécurité et à l’ordre public ne font pas appel à ce type d’expertise ?


Les études montrant la façon dont l’in-expertise des policiers en matière d’usage de la tromperie dans le cas précis des auditions contribue régulièrement à mettre en pièce la vie d’un individu ne nous montrent-elles pas qu’il est grand temps que la police soit formée correctement à des techniques qui sont indéniablement utiles à la protection de la sûreté et de l’ordre public ?


Ce ne sont pas de grandes questions sans réponses, car permettre ce type d’enseignement est possible et avec des efforts bien moins importants des possibilités sont déjà possibles mais ne sont pas appliquées. Dans un commissariat de police, quel qu’il soit et donc de manière encore plus évidente lorsqu’il s’agit d’un commissariat qui comprend des unités spécialisées dans les enquêtes (à Paris par exemple les enquêtes sont principalement le travail des équipes de la Police Judiciaire après qu’un commissariat de quartier ait transmis la plainte et que l’ouverture d’une enquête ait été décidée) il y a au moins un psychologue. Son rôle est d’accueillir certains types de victims notamment les enfants de manière générale et les femmes dans le cas d’un viol. Ce sont heureusement des cas assez rares en tout cas en France ce qui laisse une certaine disponibilité aux psychologues.


Pourquoi ne pas imaginer que les psychologues assistent les policiers lors des auditions afin de les aider à déstabiliser et à tromper les suspects?


Dans de nombreux cas, peut-on répondre, une psychologue doit demander l’autorisation d’assister à l’audition et cette autorisation peut lui être refusée.

Mais concrètement une audition est réalisée en plusieurs moments et rien n’empêche un policier de faire des pauses et d’aller demander son avis une psychologue présente dans le service sur quelles orientations, quelles stratégies de tromperie seraient les plus judicieuses en fonction du profil du suspect.


Ne pas assumer cet usage de la tromperie comme un mécanisme utile et efficace pose aussi le problème de la transparence: Dès lors que l’on prend frontalement l‘argument largement partagé par les policiers, qui veut que la tromperie soit ou bien pleinement légitime ou au moins un moindre mal, pourquoi ne pas envisager que les citoyens soient mis au courant clairement et explicitement de l’usage de la tromperie par la voie des médias par exemple, comme un gage de pragmatisme d’une institution au service de leur sécurité ?


Mais plus que cela il paraît indispensable que la police transmette régulièrement des éléments permettant de mesurer l’efficacité des techniques de tromperie. Si l’impartialité pourrait alors poser des questions, pourquoi alors, simplement, ne pas laisser la possibilité à plus de chercheurs (même si les universitaires sont a priori mal vues par les policiers, car forcément « abstraits » ou « ayant déjà conclu avant même d’avoir observé » ce préjugé peut être dépassé par la simple confrontation de deux métiers qui peuvent cohabiter et avoir des intérêt communs) d’effectuer des enquêtes de terrains dans les services des polices ?


L’argument qui veut qu’un flou persistant sur l’usage de la tromperie par la police soit une nécessité me semble pour le moins peu convaincant : Dire que la police a le pouvoir de tromper des suspects dans le cadre de sa mission de préserver la paix social ne signifie pas donner les clefs pour faire comprendre précisément comment fonctionne ces tromperies.


L’argument qu’on tente de défendre ici est très intuitif et il est partagé par des officiers supérieurs de police. Si la tromperie est utile et efficace alors il n’y a pas de raison de cacher qu’on en fait usage ce qui ne signifie pas de rentrer dans le détail des différentes techniques. Défendre la sécurité des citoyens n’est pas une petite tâche, si la police a les moyens de travailler en utilisant des techniques qui paraissent immorales prima facie au nom d’un objectif jugé supérieur on peut penser que l’assumer c’est aller dans le sens d’une transparence démocratique où la police s’ouvre sur les moyens qui lui sont donnés au service de la communauté et du vivre ensemble


Une adéquation est nécessaire entre la nécessité de donner une plus grande importance à l’utilité du contrôle interne et la nécessité d’assumer plus clairement et plus ouvertement l’usage de la tromperie. Il faut que les deux éléments fonctionnent en même temps. Si la police a plus de pouvoir pour contrôler les abus en matière de tromperie cela doit aller avec une plus grande transparence et une plus grande attention à la formation des agents. Il faut postuler que l’usage de la tromperie est un outil dont l’efficacité peut être radicale, mais qui renferme par définition une grande fragilité.


L’efficacité de l’usage de la tromperie doit être vérifiable régulièrement et ceci ne doit pas l’être seulement par la voix de policiers, mais par une plus grande ouverture des institutions policières et de leurs archives à la recherche. Le rappel, au moins ponctuellement, du caractère imparfait de ces techniques par les policiers eux-mêmes permettrait de garder une certaine honnêteté vis-à-vis de la société civile et de préserver cette image (réelle) de la perfectibilité de l’usage de la tromperie et du travail complexe et méritant des forces de police qui accepte quoi qu’on en dise d’exercer un métier déstabilisant et supposant sans aucun doute un réel sens du sacrifice.

Enfin il ne semble pas seulement utopique de croire en la médiation entre la police et la société d’organismes externes à la police permettant une plus grande information et un débat au service d’intérêts qui ne sont pas toujours contradictoires. L’exemple des médiateurs en Europe du Nord est à ce titre plein de potentiels.

CONCLUSION

La police est chargée de protéger la paix sociale. Afin d’y parvenir des pouvoirs lui sont confiés. Ces pouvoirs ne sont pas évidents et posent des problèmes éthiques importants. Depuis soixante ans la police américiane intensifie dans les différentes sphères de son travail son recourt à la tromperie. Dans ce travail on a montré que la désinformation lorsqu’elle était l’acte d’un policier à l’encontre d’un citoyen prenait une dimension particulière car si la tromperie est immorale prima facie, cette immoralité est d’autant plus radicale lorsque c’est une institution qui devrait être au service des citoyens qui les trompe.


On peut être amené à penser que lorsque la police fait usage de la désinformation il y a affrontement auquel le citoyen devra se plier in fine s’il veut continuer à pouvoir être défendu dans sa sécurité par la police. Or dans cette ligne de rencontre entre la police et les citoyens il est possible de ne pas voir deux camps mais bien un même objectif.

Cette zone de rencontre doit donc être analysée en sortant d’un regard dichotomique et en acceptant la tâche plus modeste (mais peut être plus efficace) qui consiste à poser les questions d’un aménagement.


On a tenté d’aborder cet aménagement de la désinformation en montrant que les abus ne doivent pas cacher les réussites et surtout que l’évolution des usages de la tromperie est un processus qui s’écrit aujourd’hui. Pour le dire autrement les citoyens ont un pouvoir et une responsabilité toute particulière à appréhender raisonnablement les enjeux éthiques de l’usage de la désinformation par les policiers et s’il veulent pouvoir lutter contre les abus de la police en matière de tromperie il faut justement qu’il s’appuie contre/sur elle pour qu’un débat soit possible.


 

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